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Traditions autour de Noel en Europe
Le temps liturgique
L’Avent est une période d’attente joyeuse dans la liturgie, comme dans les cœurs. Les fidèles y reprennent avec joie les chants aimés, appris dans l’enfance et réservés à la période de Noël. Ces chants, qui portent le nom de « noëls » (avec un n minuscule) ne sont pas des cantiques. Pourtant, ils furent comme eux inspirés par la liturgie. L’Avent tient son nom du latin Adventus (« avènement », « venue »). Il précède Noël, fête de la Nativité, où les Chrétiens célèbrent la venue de l’Enfant-Jésus à Bethléem en Judée et l’avènement de son retour glorieux. L’Avent débute le dimanche le plus proche de la Saint-André, au plus tôt le 27 novembre et au plus tard le 3 décembre, et il comprend quatre dimanches. Il durait autrefois six semaines. C’était à ses débuts une période austère, appelée « petit Carême » où les restrictions concernaient aussi bien la nourriture que certaines activités quotidiennes, comme celles de laver ou de filer.
L’Avent a été institué au 6ème siècle, à Rome reprenant, semble-t-il, un temps de jeûne qui précédait la Nativité dès le 4ème siècle en Espagne et en Gaule. Ce n’est d’ailleurs qu’à partir de la moitié du 4ème siècle que les premières mentions de la fête de Noël apparaissent à Rome dans un chronographe de 354 (sorte d’almanach). L’Avent, loin d’être austère comme il l’était à l’origine, est devenu une période d’attente joyeuse.
Les chants de la Nativité
Les hymnes des liturgies des églises d’Orient et d’Occident vont s’inspirer de la Nativité dès les premières célébrations de Noël et de l’Épiphanie au 4ème siècle. La première mention des trois messes de Noël remonte à saint Grégoire le Grand. La tradition sacrée s’intégrera plus tard à la tradition profane avec ses chants et ses cortèges accompagnant les fêtes de la période hivernale.
Les tournées de l’Avent, comme celles de « l’An Neuf » ou des Rois, sont antérieures aux noëls de l’église. Les noëls ne sont pas des prières pour autant, ni des chants de louanges. Il ne s’agit plus de « quérir » Noël de maison en maison, mais de chanter la joie de la Nativité ensemble à l’église ou chez soi. On assiste maintenant à une confusion de deux genres et les enfants entonnent volontiers ces noëls dans leurs tournées. Les Evangiles de saint Luc et de saint Mathieu, les seuls à l’évoquer, sont très sobres sur le sujet de la Nativité. L’imagination populaire s’est plue à rajouter des éléments inspirés de prophéties de l’Ancien Testament et surtout des Evangiles apocryphes, écrits pour combler cette soif de détails merveilleux autour de la vie du Christ. C’est ainsi qu’apparaissent l’âne et le bœuf, la grotte de Bethléem ou que les Mages deviennent les trois Rois que l’on sait. Dans la divine naissance, la Vierge est à la fois une femme et une mère, ce qui ne pouvait que plaire aux gens du peuple qui s’identifiaient aux modestes bergers avertis les premiers par les anges.
Les nombreux artistes, copistes, sculpteurs, maîtres-verriers, peintres, musiciens… y trouveront là matière à variations pour alimenter leurs œuvres que l’on rencontre des miniatures des manuscrits, aux tympans des cathédrales et aux vitraux.
La Messe de Minuit
Dès les premières célébrations de Noël et de l’Épiphanie au 4ème siècle, des hymnes accompagnent les liturgies des églises d’Orient et d’Occident. La Nativité inspire les premiers poèmes aux docteurs orientaux. L’une des hymnes de saint Ephrem le Syrien introduit déjà les artisans aux côtés des bergers accourus à la crèche : » Salut Ô Toi, qui est appelé à cultiver nos champs. Tu fertiliseras le froment dans le grenier de la vie « . Au même siècle, saint Ambroise, évêque de Milan, considéré comme le père du chant choral, et son contemporain saint Hilaire de Poitiers donnent à leur tour l’impulsion à la liturgie romaine en créant sur le thème de la Nativité, des chants latins connus encore maintenant. La première mention des trois messes de Noël remonte à Saint Grégoire le Grand (mort en 604) qui le précise dans une homélie sur la Nativité, et ces messes sont précédées de celle de la vigile le soir du 24. Ces trois messes, selon l’usage papal, ont lieu dans trois églises différentes de Rome : messe de la nuit (et non « messe de Minuit » comme le dit l’expression populaire) à Sainte-Marie-Majeure sur l’Esquilin, messe de l’aurore à Sainte Anastasie au pied du Palatin, et messe du jour à Saint-Pierre. Lors de ces messes, la liturgie chantée sous des formes latines alternées, atteint son apogée aux 9ème et 10ème siècles avec la création des tropes. Ces variations sur des textes sacrés sont des antiennes dialoguées et ne sont pas considérées comme liturgiques. Ces tropes sont nombreux à Noël, à l’exemple de celui du moine Tutilon de l’abbaye de Saint-Gall » Hodie cantandus est » (Aujourd’hui, il nous faut chanter), l’un des premiers. Tolérés, ils prennent place à certains moments de la liturgie afin de la rendre plus animée, et présentent déjà un tour dramatique. Les « épîtres farcies » où latin et langue usuelle alternent, les antiennes dialoguées et les tropes se renforcent de gestes et donnent naissance à des jeux scéniques. A partir du 11ème siècle, le clergé associe le peuple aux chants de la liturgie. La « prose » (hymne) » Laetabandus » du 11ème siècle, attribuée à tort à saint Bernard, est considérée comme l’un des facteurs les plus actifs des noëls populaires au Moyen Age. Son air sera souvent repris, tant pour les chansons à boire que pour des pamphlets protestants. Les chants de Noël aux accents liturgiques vont se multiplier en Europe. En Pologne, un premier noël daterait des environs de l’an mille. A la cour d’Angleterre, un chant de noël est attesté dès 1170. En langue allemande, le » Sys willekommen, heire Kerst « . (Sois le bienvenu, Seigneur Christ) est du 12ème siècle. Chaque couplet se termine par le répons populaire » Kyrieleys », de » Kyrie eleison « . Chanter des noëls en allemand se disait « chanter les Quempas », abréviation du nom d’un chant latin du 14ème siècle » Quem pastores laudavere « . Les chants grégoriens du mystère de l’Incarnation rendent les messes de minuit et du jour toujours très appréciées dans les abbayes. Les hymnes liturgiques, graves, sont très belles. Certaines datent des 9ème et 10ème siècles (Ecce nomen Domini ). Si les pièces chantées se réjouissent, comme dans les noëls, de la présence de l’Enfant-Jésus, elles soulignent que cet Enfant est le Fils de Dieu. Elles sont empreintes de révérence, de majesté et d’enthousiasme. Chez les orthodoxes également, voix et chœurs retentissent dans les monastères russes, arméniens, ou grecs. Cela a lieu treize jours plus tard, le 7 janvier, les fêtes religieuses orthodoxes (russes et slaves) suivant le calendrier julien. Mais ces chants liturgiques ne rentrent pas dans la catégorie populaire des noëls. Certains motets latins de plain-chant composés au début du Moven-Age sont encore chantés, mais ils relèvent aussi de la liturgie et en cela, sont très différents des noëls, nés eux, seulement à partir des jeux semi-liturgiques à la fin du XVe siècle.
Les crèches et les pastorales
Les noëls et leur mise en scène de bergers et de gens de petits métiers inspirent eux-mêmes en partie les représentations plastiques des crèches qui apparaissent dès le 16ème siècle crèches d’églises d’abord, puis crèches familiales à partir du XVIlIe siècle. De la même façon qu’ils sont nés de spectacles, ils engendrent à leur tour les crèches parlantes puis les Pastorales. Les sujets restent liés à la Nativité, mais en réalité, ils n’ont plus rien à voir avec l’Eglise. Ces spectacles sont publics, comme le sont nos modernes séances de marionnettes ou de théâtre, mais leur auditoire y va avec une grande piété. Ils sont joués de la fin du 18ème jusqu’au début du 20ème siècle « crèches parlantes » et mécaniques, avec jeux de marionnettes où les aspects comiques et satiriques ne sont pas oubliés, comme dans celles d’Autriche, de Belgique, ou de France, en Franche-Comté ou en Provence. Les crèches parlantes mettent la Nativité en scène sur différents tableaux. Les noëls en patois de Besançon, composés au début du 18ème siècle laissent déjà entrevoir le spectacle de la Crèche Bisontine qui connaît son apogée au 19ème siècle. Ce spectacle reproduit les dialogues en français entre saint Joseph, l’avocat et les médecins, ceux en patois des ouvriers, et d’un vigneron Barbizier qui présente les personnages. Tout se passe la nuit de Noël et, avec humour, les uns et les autres se rendent à la crèche. Les défauts des hommes et une satire « politique » ne manquent jamais d’être mis en évidence, évidemment ! A l’heure actuelle, la formule n’en est pas abandonnée : les théâtres de marionnettes continuent de présenter leurs spectacles, par exemple en Belgique, à Liège ou à Verviers, ou en France, à Besançon. En Europe Centrale, des « montreurs de crèches » itinérants vont toujours présenter de porte en porte ou de quartiers en quartiers un spectacle où la critique des évènements de l’année va bon train sur un ton badin. Les plus célèbres, en France, sont la Pastorale Maurel qui date de 1844, et une plus récente de 1957, La Pastorale des Santons de Provence d’Yvan Audouard. Bien des santons de la crèche se sont inspirés aussi des personnages comiques de ces pastorales, qui ont elles-mêmes puisé dans le répertoire des noëls provençaux, puis dans celui des crèches mécaniques. Les Pastorales font actuellement en Provence l’objet d’un Festival, à Gordes dans le Vaucluse entre les 26 décembre et 4 janvier. Ces spectacles ne sont pas donnés dans les églises, mais dans des salles paroissiales ou municipales.