Universalisme ecclésiastique
Viimati muudetud: 06.03.2015
Prof. Hdr. Archim. Grigorios D. Papathomas
Paris-Tallinn-Athènes
Du culturalisme ecclésiologique du 2e millénaire,
vers une autre aberration ecclésio-canonique : l’universalisme ecclésiastique*
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Dans une étude récente publiée dans les Revues Istina (vol. 51, n° 1 (2006), p. 64-84-Paris), et Kanon (vol. 19 (2006), p. 3-21-Vienne), nous avons examiné la naissance du culturalisme ecclésiologique et la modernité post-ecclésiale apparue, qui en découle de celui-ci, durant tout au long du deuxième millénaire. Au seuil du troisième millénaire, un autre problème ecclésiologique et canonique majeur a déjà commencé à surgir à l’horizon de notre vie ecclésiale, en plus des autres problèmes existants. C’est la tendance tenace et constante, plus constante que jamais, d’universaliser l’Église culturaliste.
En effet, tout en abandonnant depuis longtemps l’ecclésialisation de la culture du 1er millénaire (ce qui faisait la transfiguration [transformation] de l’Église), et après la culturalisation de l’Église du 2e millénaire — qui constitue le renversement de la perspective du 1e millénaire provoquant ainsi la sécularisation de l’Église —, nous allons passer dans une nouvelle phase, à ce début du 3e millénaire, celle de l’universalisation de l’Église, due entre autres à la pratique ecclésiologique post-ecclésiale ainsi qu’à la globalisation (ecclésiastique) poursuivie et accélérée.
Ce nouveau phénomène est déjà visible dans nos Églises plurielles, au sein de l’Église catholique romaine, au sein des Églises confessionnelles protestantes et au sein des Églises nationales orthodoxes. La pathologie de ce phénomène semple identique à celle du culturalisme ecclésio-canonique du 2e millénaire. Effectivement, cette pathologie manifestement commune consiste à avoir trois points de départ totalement différents, mais leur dénominateur ainsi que leur aboutissement demeurent finalement commun.
Multi-culturalisme ecclésiastique des Églises plurielles (2e millénaire)
• Églises rituelles catholiques ® Poly-ritualisme ® ® ® ¯
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Multi-universalisme ecclésiastique des Églises plurielles (3e millénaire)
• De l’Église héno-universelle catholique romaine à ® ¯
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Dans un cas comme dans l’autre, celui du multi-culturalisme ecclésiastique et celui du multi-universalisme ecclésiastique, les points de départ de chaque Église culturelle sont visiblement et — surtout — convictionnellement différents, mais leur aboutissement est fatalement identique. Dans le premier cas (culturalisme ecclésiastique), c’est l’aboutissement anti-ecclésiologique et anti-canonique de la co-territorialité, alors que dans le deuxième cas (universalisme ecclésiastique), c’est la vision anti-ecclésiologique et anti-canonique également de l’universalisation de l’Église culturelle, par définition, en division et toujours en séparation avec les autres Églises plurielles. Paradoxalement, l’Église se fait désormais un principe qui, contrairement à toutes ses ambitions les plus légitimes, différencie, fragmente et disperses les groupes humains (personnes et peuples), au moment où, par sa nature et par sa mission, elle est appelée “à les unir” (cf. Jn 17, 11. 23).
Voyons de près, et loin de toute polémique, ce nouveau problème ecclésiologique majeur, dont les souches sont ancrées dans le 2e millénaire, qui touche finalement aujourd’hui toutes les Églises chrétiennes principalement de l’Europe, responsables historiques principaux de ce phénomène, mais aussi les Églises chrétiennes du monde entier.
a. De l’Église (héno-)mono-universelle catholique romaine à l’universalisation de l’Église
L’Église mono-universelle — ou héno-universelle, pour être encore plus précis — constitue le modèle caractéristique approprié de l’Église catholique romaine à travers les siècles, qui a subi trois phases consécutives jusqu’à nos jours.
1ère Phase : De l’« Église Une et Catholique » (Credo) ® Église “universelle” |
On sait tous très bien que jusqu’à l’époque de la formation du Symbole de Foi (Credo) de Nicée-Constantinople (325-381), l’« Église Une » répandue à travers tout l’univers est composée de nombreuses Églises [locales] catholiques. C’est pourquoi le terme « catholique » — comme d’ailleurs le terme « Église » — est employé au pluriel jusqu’à l’époque d’Augustin, grâce à lui et à partir duquel il prend un sens nouveau ; l’Église catholique n’est plus désormais locale et conciliaire comme icône de la Communauté eschatologique, mais prend le sens d’Église “œcuménè-que” c’est-à-dire qu’elle désigne une Église éparpillée à travers le monde. En effet, afin de combattre le localisme des Donatistes, avec lesquels il était en conflit, Augustin a mis l’accent sur l’universalité de l’Église, qu’il a identifiée avec la catholicité (catholicité = universalité). Pour Augustin, l’Église catholique est, pour la première fois, — et par conséquent, dans la littérature (biblique et) patristique —, exclusivement l’Église universelle et non plus l’Église locale catholique. Comme beaucoup d’autres, cette conception s’est cependant insinuée dans la théologie de l’Orient orthodoxe, qui a adopté cette position erronée. Lorsque, dans le Credo, nous disons « Je crois …en une Église catholique », nous entendons habituellement l’Église universelle.
La confusion qui s’introduit ainsi est d’une grande importance pour la réalisation et l’organisation de l’Église, comme on peut le constater de toute évidence lorsque nous comprenons comment elle est apparue et a été adoptée en Occident, où elle a prévalu sur la théologie augustinienne. Suivant, en effet, une doctrine ancienne attestée cette époque à Rome, le siège romain, fondé par les Apôtres Paul et Pierre, jouissait du privilège d’appel (ekkliton) d’être à la place de présidence synodale de toutes les Églises. L’Église en Occident a ainsi commencé à être organisée en un ensemble unique dont la structure permet l’existence de ce que nous appelons une “Église universelle”, qui a à sa tête, une tête universelle, en l’occurrence l’évêque de Rome. En Orient au contraire, il était impossible qu’une telle ecclésiologie pût régir l’organisation de l’Église, qui ne peut en aucun cas être considérée comme un organisme mondial, doté d’une tête universelle et d’un centre universel. En Orient, l’Église est articulée différemment. Et à côté de cette mentalité ecclésiale institutionnelle attestée en Occident, si on ajoute la rupture de la communion — et non pas le “schisme” (sic) — de 1054, qui a été prise comme argument permettant d’identifier finalement le “seul Patriarcat de Rome” avec l’“Église universelle augustinienne” développée jusqu’alors (« Patriarcat d’Occident = Église universelle »), on peut dépister les fondements et les appuis de l’Église universelle par la suite jusqu’à l’heure actuelle.
De ¯ « Église de Rome » (1er s.)2e Phase : ¯ « Patriarcat de Rome » (451)
à ® Église ‘catholique’ (12e s.) ® Église ‘universelle’ |
À partir du 12e siècle, on entre dans une nouvelle phase, la deuxième de ce processus latent. En effet, après les quatre Croisades (1095-1204), qui ont introduit une ecclésiologie nouvelle (celle de la co-territorialité ecclésiastique) et l’échec du Concile unioniste de Lyon (1274), on peut saisir une 2e étape dans cette tendance, disons, universaliste de l’Église catholique romaine. On constate de plus en plus — surtout à partir de la désunion des (cinq) Patriarcats de 1054 — que le Patriarcat d’Occident, demeurant en solitaire, donne une tout autre orientation à l’universalité augustinienne. Ne vivant pas dans une communion synodale avec les autres quatre Patriarcats (praxis ecclésiale du 1er millénaire), c’est le Patriarcat d’Occident seul, l’Église de Rome qui demeure l’Église universelle. Cependant, en tant qu’entité territoriale ecclésiastique donnée, ecclésiologiquement parlant, le Patriarcat est une “Église établie localement”, une Église “auto-céphale” (431, 451) étymologiquement parlant, il a des limites géo-ecclésiastiques concrètes et ne peut s’en servir solidement à son propre gré d’Église universelle et d’universalité à l’échelle mondiale. C’est exactement dans ce contexte que l’Église catholique romaine du Moyen Âge a abandonné les canons ecclésiaux du 1er millénaire pour forger de nouveaux canons qui justifieraient sa démarche choisie du « Église de Rome = Église universelle ». Certes, cela ne deviendra plus clair qu’à une époque plus tardive, car avant, autant que l’Empire romain d’Orient avec les autres quatre Patriarcats, à poids ecclésiologique égal, demeuraient une réalité vivante, le passé historique commun du 1er millénaire restait déterminant à cette époque, un fait historique qui est visible, malgré l’expérience négative précédente des Croisades, jusqu’au Concile de Ferrare-Florence (1438-39). En réalité, la rupture de la communion de 1054 n’est vraiment consommée qu’avec le sac de Constantinople par les croisés, en 1204. À partir de cette date, et malgré quelques tentatives d’union (1274 et 1438-39), les Églises patriarcales d’Orient et celle d’Occident cessent de respirer ensemble au point qu’elles ne se reconnaîtront plus comme telles. C’est dans ce contexte que l’universalité s’est cultivée d’une façon aussi réactionnelle. Effectivement, la Réforme (à partir de 1517) est devenue la cause principale pour que l’Église catholique romaine accentue son obsession d’“Église universelle” qui, désormais, était pour elle une question de son unité interne et surtout de sa survie historique (« Église catholique = Église universelle »).
Dès cette époque, des tendances universalistes deviennent de plus en plus visibles et commencent à se concrétiser. Depuis lors, pour l’Église orthodoxe, la tentation majeure de l’Église catholique romaine demeure l’acquisition de l’universalité ecclésiastique territorialement. Et le moyen pour acquérir cela était la création des Églises rituelles (culturalisme ecclésiastique). Dans cette perspective, on a déjà vu et connu, en aval, après la chute de Constantinople (1453) et non pas par hasard, l’“Uniatisme”, cette captation d’entières Communautés ecclésiales orthodoxes par l’Église catholique romaine avec l’appui à l’époque des chancelleries européennes, dans un contexte conciliaire apparemment et “réciproquement” unioniste : le Concile de Brest-Litovsk (1596). Par la suite, d’une manière ou d’une autre en perspective consistante, malgré les efforts de l’œcuménisme de la fin du 19e siècle et de l’ensemble du 20e siècle, cela a duré et dure encore depuis ce Concile unioniste (1596) jusqu’en mars 2006 !… Qu’est-ce qu’on peut attendre après 2006 ?…
3e Phase : De l’Église Une Unique ® Église mono-universelle (de l’universalisation) |
L’ensemble du temps passé se trouve toujours en fonction dans le temps présent, même si nous, nous ne nous en souvenons plus. Cela est autant plus vrai que l’expérience des deux étapes précédentes est accumulée dans la troisième étape qui commence effectivement à partir du mois de mars 2006. C’est la déclaration officielle de l’Église universelle, dépouillée — par un choix papal volontaire — de ses repères historiques territoriaux patriarcaux. Et c’est justement l’accomplissement de ce qu’on appelle ici, universalisation de l’Église (universalisme ecclésiastique). En effet, à partir de l’année 2006, on a évacué tout appui territorial qui pouvait porter atteint à l’Église mono-universelle pour retourner à un organisme mondial pur, doté d’une tête universelle et d’un centre de référence universel, car le “Patriarcat de Rome”, de toute évidence, représente un passé plutôt “mythique” et obsolète de l’histoire que réel, et, s’il reste ecclésiologiquement valide, fait obstacle à toute justification historique et canonique de cette “Église (héno)universelle appropriée”, désormais plus que jamais instituée… En d’autres termes, l’année 2006 marque une étape nouvelle dans l’Ecclésiologie catholique romaine mais surtout dans l’Ecclésiologie ecclésiale. C’est la renonciation papale à son propre territoire ecclésiastique eucharistique, qui formait son Église établie localement, accordée par la Tradition canonique de l’Église du 1er millénaire (451), le renoncement au “Patriarcat de Rome”, au “Patriarcat d’Occident”, le renoncement à l’Église territoriale patriarcale au profit de l’Église territoriale universelle. Ici, apparemment, c’est la “réalité ecclésiale universelle” qui a définitivement absorbé la “réalité ecclésiale patriarcale”.
L’universalisation de l’Église (héno-universalisme) à la manière romaine (2006)
Tout au début de l’année passé, la dernière édition de l’Annuaire Pontifical, sortie des presses du Vatican au début de mars 2006, ne désignait plus l’évêque de Rome comme “patriarche d’Occident”, tout en lui conservant ses autres titres historiquement ultérieurs (du 2e millénaire). « Cette suppression a créé la surprise en Occident, car le titre de patriarche ne faisait l’objet d’aucun débat dans l’Église latine. Elle a suscité l’inquiétude dans les Églises orthodoxes » (Istina 51 (2006), p. 3). Il y avait des réactions ecclésiastiques institutionnelles et personnelles, bien après le Communiqué explicatif du 22 mars du Conseil pontifical (ibid., p. 9-10). Le communiqué parle d’un titre périmé, « devenu obsolète avec l’évolution de l’histoire », ajoutant paradoxalement, sans développer l’idée, que « la renonciation à une [telle] prétention pourrait être utile au dialogue œcuménique », alors même que les orthodoxes y ont vu une initiative malheureuse (ibid., p. 3 et 10).
En effet, parmi les différentes motivations possibles, c’est « un titre sans contenu canonique dans le droit latin. Si l’on se plaçait uniquement au point de vue du droit canonique de l’Église latine, la suppression du titre de patriarche d’Occident serait parfaitement justifiée. Le Code de 1983, pas plus que celui de 1917, ne fait pas la moindre mention du titre patriarcal de l’évêque de Rome, pour la bonne raison que, dans le droit latin actuel, ce titre n’a strictement aucune incidence juridique. [C’est] un titre qui exprime inadéquatement son sens initial. […] À l’origine, et durant la majeure partie de son histoire, le patriarcat d’Occident recouvrait l’Europe occidentale. Aujourd’hui, au début du 3e millénaire, il s’étend au monde entier, dans des continents bien étrangers à la culture occidentale ; canoniquement aussi, il entend exercer sa juridiction même au cœur des autres patriarcats traditionnels, comme le montre la reviviscence du patriarcat latin de Jérusalem en 1847 » (ibid., p. 4) [reviviscence qui a suscité la réaction synodale violente des Patriarcats orthodoxes-Jérusalem 1848].
D’après cette décision papale, l’Église catholique romaine déclare officiellement qu’elle veut continuer son cheminement historique sans lien avec son passé historique institutionnel établi communément et conciliairement, et surtout sans les repères de ses liens ecclésiaux historiques, ce qui veut dire sans les (autres) quatre Patriarcats anciens qui formaient, depuis 1054, le noyau de l’Église orthodoxe ultérieure. En d’autres termes, dépouillé de tous liens ecclésio-canoniques historiques du passé, on choisit désormais consciemment comme voie à suivre l’universalisation monocamérale de l’Église (monocaméralisme ecclésial universaliste), destinée à rassurer sa communion d’Église dans une direction qui est loin d’être conciliaire-synodale et communionnelle, et en conformité avec la praxis biblique et ecclésiale du 1er millénaire.
Une interprétation orthodoxe de cet acte de portée ecclésio-canonique majeure
Contrairement à l’Église catholique romaine et aux Églises protestantes, qui ont largement pratiqué la “co-territorialité extérieure” durant tout au long du 2e millénaire, en fondant des Églises établies localement sur le territoire d’autres Églises, on a déjà vu — au Colloque de Sylvanès et plus haut — combien, durant bientôt un millénaire (1054-2009), l’Église orthodoxe s’en tenait ferment à son refus constant d’une telle pratique ecclésio-canonique aberrante. Unanimement appliqué, ce fait canonique est ecclésiologiquement clair et historiquement bien confirmé, fait que, à l’occasion de cette suppression qui change toute la destination communionnelle ecclésiale de l’Église catholique romaine, le Patriarcat œcuménique a solennellement affirmé (Istina 51 (2006), p. 11-13). Il faut souligner ici que toute la vision d’unité et d’union ecclésiales : « […] pour l’union de tous » (1ère Grande Ecténie de la Divine Liturgie) est fondée sur cette attente. En effet, l’Église orthodoxe présuppose la communion entre les Églises établies localement, mais en aucun cas par voie de (leur) substitution ou de (leur) subrogation. Et ici, dans la perspective de la “co-territorialité extérieure”, “substitution d’une Église” signifie trois choses :
• Considérer l’autre Église comme inexistante (d’où peut-être la nécessité canonique d’adoption du “schisme” (sic) vis-à-vis de cette Église).
• Répandre sa propre juridiction canonique sur des territoires d’une autre Église, en dehors de son territoire ecclésiastique propre.
• Arriver à la pleine communion visionnée des Églises de façon héno-ecclésiale et mono-confessionnelle.
C’est justement cette forme de “co-territorialité extérieure” que l’Église orthodoxe refuse constamment d’adopter à travers les siècles maintenant déjà pendant un millénaire.
Toutefois, au cours du 20e siècle et dans le dessein présomptueux de s’opposer sur son propre terrain au mouvement œcuménique, certains fondamentalistes orthodoxes, sous le couvert du zélotisme religieux, ont élevé la voix pour demander une application immédiate de la “co-territorialité extérieure” de la part de l’Église orthodoxe à l’égard de l’Église catholique romaine. Ce qui voulait dire in concreto qu’il fallait agir de la même façon que Rome. Comme Rome avait fait vis-à-vis des Patriarcats orthodoxes d’Orient (1099, 1100, 1204 et, de nouveau, 1596, 1847, 2006), “exactement de la même façon, il faut élire un Pape et Patriarche orthodoxe de Rome et la désunion de l’Église alors sera automatiquement restaurée (en laissant ainsi dehors de cette union ecclésiale in globo l’Église catholique romaine). C’est ainsi que l’on va fermer, selon cette conception, la parenthèse historique pénible de cette désunion déjà millénaire !… Cette décision aurait aussi comme conséquence supplémentaire la solution immédiate du problème de la diaspora orthodoxe”… Voilà en deux mots cette vision alternative latente. Mais une telle initiative éventuelle orthodoxe irait, au moment de sa déclaration d’un tel “Patriarcat orthodoxe de Rome”, déclencher le schisme. Le schisme n’est pas arrivé en 1054 et l’on sait maintenant très bien quelles sont les raisons théologiques et ecclésio-canoniques. Le schisme serait en ce moment-là déclaré de façon définitive et de toute évidence irréversible. Cela signifierait aussi d’entrer dans une logique sociologique, en fin du compte, culturelle, co-territorialiste, et en aucun cas ecclésiologique !…
Ce n’est pas par hasard que de telles voix s’étaient faites entendre çà ou là durant la deuxième moitié du 20e siècle (après Vatican II) et reprises surtout à nouveaux de façon systématique juste après la chute du mur de Berlin (années 1990), semblent correspondre ou coïncider avec l’évolution interne à l’Église latine vers une universalisation de plus en plus définitive, développée durant la dernière décennie du pontificat Jean-Paul II (1990-2004), évolution que son successeur le pape Benoît XVI a mis en valeur via cette décision papale majeure a silentio de 2006.
Considérée comme un “coup de grâce” sur toutes les attentes de solutions ecclésiologiques possibles de nos différences ecclésiastiques, cette décision ouvre le chemin pour une nouvelle évolution dans l’Église, évolution tout autre qu’ecclésiologique, et surtout confirme les visions latentes de “co-territorialité extérieure” des fondamentalistes orthodoxes… Et c’est bien dommage…
Néanmoins, cet événement provoque le changement de cap d’orientation sur beaucoup de choses. Nous aimerions nous arrêter un peu sur les conséquences qui sont encore invisibles, mais dont le sillage sera bientôt tracé sur le cheminement de l’Histoire et de l’Église.
Pour l’Église catholique romaine :
• C’est l’acquis total — de la vision finalement millénaire — de l’Église universelle territorialement. Avec cette suppression, on a exclu une référence territoriale patriarcale précise et “limitée” pour acquérir une référence territoriale unique et illimitée à l’échelle mondiale, nouvelle réalité qui, par définition, absorbe juridictionnellement des entités territoriales ecclésiales bien existantes et distinctes.
• Enlever le titre territorial conciliaire essentiel “patriarche d’Occident”, alors que l’on conserve en l’état l’autre titre co-territorial “souverain pontife de l’Église universelle”, crée un nouveau sens dans les orientations ecclésiastiques futures de l’Église catholique romaine, comme quoi les autres Patriarcats n’existent pas pour que celui-ci soit l’un parmi les autres, d’où l’empiétement persistant et permanent sur le territoire canonique des autres Églises à travers la pratique de la co-territorialité millénaire ritualiste.
• Reconnaître (Lumen Gentium, n. 23) les autres Églises (Vatican II) ne signifie pas, semble-t-il, automatiquement qu’elles sont des Églises, corps myrio-hypostatique du Christ. S’il s’agit des Églises, on est en communion — ou en procédure de (ré)communion — avec elles ; et si c’est le cas, on n’a pas besoin de les reconnaître… Finalement, sont-elles ou ne sont-elles pas Églises ? Si elles le sont, pourquoi ce comportement alors de “co-territorialité extérieure” et depuis l’année 2006 solennellement confirmé ?… Mais, étant donné la “co-territorialité extérieure”, c’est plutôt le contraire qui est valide…
• Cette tendance à l’expansion désormais territoriale universelle de l’Église catholique romaine jusqu’au niveau mondial crée un dinosaurisme, un gigantisme qui alimente l’appétit du pouvoir universel qui conduira à l’absorption des autres Églises !… Souvenons-nous toutefois qu’en raison de leur taille, les dinosaures furent les premiers à disparaître. L’Église ecclésiale connaissait bien dès ses débuts cette loi naturelle, lorsqu’elle fonda des Églises locales catholiques.
• Lorsque le IVe Concile œcuménique de Chalcédoine (451) instituait les altérités ecclésiales patriarcales (y compris celle de Rome), il confirma également l’autocéphalie ecclésiale de chaque Patriarcat. La structure ecclésiologique de cette institution avait pour dessein d’éviter à tout prix que cette autocéphalie ecclésiale ne devînt une hydrocéphalie ecclésiastique. L’institution du système canonique de la Pentarchie des Patriarcats d’ailleurs a été motivée par le désir d’éviter justement un hydrocéphalisme, un centralisme excessif. L’“Église universelle” centraliste est un développement complètement étranger à la notion du Patriarcat. Cet hydrocéphalisme confessionnel va donc alimenter encore plus une primauté romaine de souveraineté, et, malgré toutes les attentes œcuméniques, au détriment d’une primauté romaine de conciliarité. On ne peut en aucun cas avoir une juridiction universelle immédiate sur tous les évêques et sur tous les fidèles dans le monde entier et en toutes directions, comme c’est le cas du pape jusqu’à maintenant et désormais ou, chez les orthodoxes, la pratique universaliste de la tradition slave tardive, mais plutôt d’une animation de l’unité de l’Église, d’un centre d’intercession. La place du premier est au milieu, mais pas au-dessus.
• La “co-territorialité extérieure” qui était condamnée comme un incident, au moment de son apparition durant les Croisades (1099), semple devenir tout au long du 2e millénaire une conviction latente et permanente, pour arriver à son point culminant et à son adoption totale qui est la décision papale récente (2006).
Pour les Églises protestantes :
• Elles aussi, en suivant la perspective de la “co-territorialité extérieure” à l’échelle mondiale, ont beaucoup moins de chance pour se retrouver, d’après son universalisation, avec cette “nouvelle” Église catholique romaine désormais universellement confirmée et institutionnellement rassurée. En sus, l’universalisation adoptée par les Protestants les éloigne de plus en plus de la vision considérée, celle de se retrouver en communion ecclésiale avec l’Église catholique romaine, de laquelle ils sont sortis.
Pour l’Église orthodoxe :
• C’est, tout d’abord, la perplexité complète.
• C’est la définition du déni du principe ecclésial territorial et son remplacement par un principe mono-culturel — et pour son cas héno-culturel — dans la formation de l’Église.
• C’est le constat que le Patriarcat de Rome “n’existe pas” comme entité territoriale ecclésiale, suite à la déclaration de son primat lui-même, qui a choisi de ne pas être “Patriarche de Rome” mais désormais seulement “souverain pontife de l’Église universelle”. Désormais, c’est une Église universelle qui existe et non pas le “Patriarcat de Rome” historique et canonique.
• La véritable Église n’est pas géographique pour être universelle ; c’est l’autel épiscopal en tout lieu où le Christ repose de façon iconique qui fait l’Église, non pas l’étendue d’un territoire à l’échelle universelle. Or c’est l’iconisation et non pas l’universalisation, qui garantit l’intégrité de l’être de l’Église. Ici encore, la catholicité ecclésiale est la caractéristique de l’Église locale, non pas de l’Église universelle. C’est l’Église locale qui est catholique aussi bien que l’Église catholique est l’Église locale. Or on identifie l’Église catholique du Credo avec l’Église locale, non pas avec l’Église universelle qui demeure, par définition, inexistante pour l’ecclésiologie ecclésiale.
• C’est la relativisation absolue du Patriarcat de Rome conséquente à la renonciation du pape à sa juridiction patriarcale de l’année 2006. L’Église catholique romaine construit, va construire, aujourd’hui et désormais, l’Église différemment. Ce n’est pas la différence qui pose le problème, mais c’est la désorientation ecclésiologique qui ne s’identifie en aucun cas avec l’expérience ecclésiologique de l’Église ecclésiale des deux millénaires, y compris l’expérience ecclésiologique catholique romaine d’une manière ou d’une autre jusqu’en 2006.
• C’est l’ouverture d’une voie complètement inattendue pour l’Église orthodoxe, non pas pour l’application de la “co-territorialité extérieure” — comme vengeance contre les Catholiques romains qui l’appliquent déjà depuis maintenant un millénaire —, qui demeure toujours la vision alternative des fondamentalistes, mais il s’agit tout simplement de combler la lacune ainsi créée pour (sauve)garder l’entité ecclésiale patriarcale intacte de la même façon que les Conciles œcuméniques du 1er millénaire l’ont canoniquement fondée et envisagée. Le Corps de l’Église, nous l’avons reçu à un moment donné, pour le perpétrer et le parfaire, et non pas pour l’aliéner ou pour l’altérer.
• Pour toutes ces raisons, l’Église orthodoxe pourrait donc réserver ses droits pour agir dans l’avenir, comme l’on avait fait durant le IVe Concile œcuménique de Chalcédoine (451) pour le cas de l’Église d’Alexandrie, pour combler le vide ainsi provoqué par la suppression, justement pour (sauve)garder intact le Patriarcat de Rome de ce dérapage culturel et universaliste accéléré, qui anéantit un Patriarcat et qui ignore, par extension, territorialement les autres Églises, si jusqu’à ce moment-là ce Patriarcat ne change pas le cap fixé depuis l’année 2006. En tout cas, c’est l’avenir qui nous dira si une telle orientation serait la voie appropriée. Malgré le dérapage institutionnel de l’année 2006, l’espoir n’est pas encore perdu… Mais il faut absolument restaurer ce dernier dérapage. C’est aujourd’hui une exigence commune qu’il faut prendre très au sérieux pendant qu’il en est encore temps…
Enfin, cette renonciation papale au “Patriarcat de Rome” pose un problème canonique majeur à deux volets : ecclésiologique et communionnel.
i. Problème ecclésiologique
Cette décision papale délie le primat d’un patriarcat de son Église, et il devient, veut devenir ainsi, en solitaire, évêque-primat-chef (leadership, conductorat, primatie sans limites et, par extension, suprématie) des (toutes les) Églises de la terre toute entière. C’est juste là la destruction de toute notion ecclésiologique et canonique du primat d’abord, de la primauté synodale dans l’Église et de l’Église elle-même, même élémentaire.
ii. Problème communionnel
Les Orthodoxes ont reçu cette démarche papale dans le sens suivant : renoncer au territoire du Patriarcat de Rome signifie affirmer l’universalité territorialement. Rome affirme une fois de plus et désormais définitivement sa juridiction territoriale universelle et continue, va continuer à instaurer des diocèses latins ou, pire encore, rituels sur les terres des autres Églises, y compris les Églises orthodoxes établies localement, comme autrefois à Jérusalem (1099 et 1847), à Antioche (1100), à Chypre (1191), à Constantinople (1204) et en Europe orientale avec la création de l’Uniatisme culturel (à partir de 1596). Mais, à notre sens, cette opération ne laisse pas beaucoup de place aux autres Églises et notamment aux Églises locales-territoriales (établies localement), et surtout ne permet pas vraiment à la réalisation de l’Église locale comme icône de la Communauté eschatologique. Désormais, il n’y a plus qu’un “seul troupeau”, et un “seul pasteur”, et une “Église universelle” proprement dite. Non pas “Église une à travers l’univers” mais “une seule Église, car universelle”. Il est certain que cela va créer encore des problèmes dans l’espace social — dont l’Europe sera l’épicentre — et notamment dans l’espace communionnel ecclésial. Dans l’espace social, cette nouvelle conception va créer ou plutôt va faire continuer et augmenter des frictions communautaires. Mais il appartient à la sociologie de s’en occuper de ces conséquences. Ici, cependant, c’est le côté communionnel ecclésiologique et canonique qui nous intéresse. De ce point de vue, ce nouveau choix crée la notion anti-ecclésiologique de l’“Église parallèle”, de l’“Église multiple” en situation parallèle, qui anéantit par définition l’Église locale catholique. C’est un très grave et mauvais paradigme, qui ne sera pas sans imitation chez les Protestants et chez les Orthodoxes. Le danger immédiat pour l’être de l’Église du Christ provient, proviendra désormais de la part des Églises plurielles universelles…
Cet exemple choisi pour la circonstance, qui met en évidence les rapports présents et notamment futurs entre les Catholiques romains et les Orthodoxes surtout en Europe, dévoile aussi le sens de ce phénomène que nous verrions désormais en permanence dans nos milieux ecclésiaux, celui de l’universalisme ecclésiastique.
b. De l’Église confessio-universelle protestante à l’universalisation de l’Église
L’Église confessio-universelle constitue, sans retour ni détour, le modèle caractéristique approprié des Églises confessionnelles protestantes dans leurs orientations ou plutôt dans leurs formations récentes.
Un exemple récent est très parlant pour la fermentation de l’universalisme ecclésiastique produit ce dernier temps dans le sein du Protestantisme. Le service de presse œcuménique international ENI (Ecumenical News International) ainsi que la Revue Irénikon nous informent pour une telle orientation de plus en plus constante et répandue. En effet, les informations nous disent que, en octobre 2006, l’Église luthérienne de Norvège et l’Église luthérienne évangélique libre de Norvège ont négocié un accord de pleine reconnaissance et coopération qui doit entrer en vigueur une fois qu’il sera approuvé par les Synodes de deux Églises. « Nous pouvons être utiles l’une à l’autre grâce aux expériences que nous avons tirées de nos deux structures ecclésiales. […] ». L’Église luthérienne évangélique libre de Norvège a été fondée [il y a 130 ans] en 1877 par des ministres et des collaborateurs laïcs qui avaient quitté alors l’Église luthérienne de Norvège, c’est-à-dire l’Église d’État, et souhaitaient encourager une plus forte piété personnelle chez les fidèles. Intitulé “Une foi : ensemble en tant qu’Églises luthériennes en Norvège”, l’accord a été annoncé par le Service d’information de l’Église de Norvège le 27 octobre 2006. Il stipule que chacune des deux Églises reconnaît l’autre pleinement, y compris pour ce qui est de leurs ministères ordonnés. Les Églises resteront séparées, partageant toutefois une même base doctrinale. Les deux Églises (toujours de confession luthérienne) collaboreront au sein du Comité national norvégien de la Fédération Luthérienne Mondiale (FLM) depuis de nombreuses années. L’Église luthérienne évangélique libre est devenue membre associé de la FLM en 1997 et en est membre à part entière depuis 2005. Elle compte aujourd’hui environ 22.000 membres, répartis dans 80 paroisses. L’Église luthérienne de Norvège est l’une des Églises fondatrices de la FLM. Sur 4,6 millions d’habitants que compte le pays, environ 85 % appartiennent à l’Église luthérienne de Norvège (ENI, n° 06-0431/F, 3 novembre 2006, et Irénikon, t. 79, n° 4 (2006), p. 634).
Tout d’abord, dans cet événement précité, le culturalisme (co-)confessionnel est bien visible et surtout dominant, sous forme d’“Église plurielle”, et il prévaut sur la formation et sur la réalisation même de l’Église !… Une série de questions se pose alors.
Dans le domaine géo-ecclésiastique local
• Ces deux Églises homonymes se déclarent comme « deux structures ecclésiales » différentes avec deux Synodes bien distincts sur le même territoire géo-ecclésiastique, qui est la Norvège. Pourquoi ne forment-elles pas une seule Église luthérienne unique ?
• Si chacune des deux Églises reconnaît l’autre pleinement (co-confessionalité), pourquoi restent-elles “deux Églises” séparées avec “deux Synodes” distincts sur le même territoire ? Si elles partagent la “même base doctrinale” apparemment luthérienne, pourquoi restent-elles séparées ?
Dans le domaine universel
• Quelle nécessité dicte-elle ces Églises luthériennes de former une Fédération Luthérienne Mondiale (FLM), c’est-à-dire une “Entité ecclésiale mono-confessionnelle universelle”, qui intègre d’une part toutes les Églises homo-confessionnelles luthériennes sans être “une Église luthérienne”, mais qui exclut d’autre part les autres dénominations protestantes et, évidemment, toutes les autres Églises chrétiennes ?
• L’effort que l’on mène dans de tels actes est finalement de réunifier les cultures homonymes ecclésiastiques sur une échelle universelle et non pas de re-composer l’Église elle-même.
c. De l’Église ethno-universelle orthodoxe à l’universalisation de l’Église
Les Orthodoxes ne sont pas épargnés de ce processus croissant de l’universalisation de l’Église. Ils se veulent très liés à la Tradition de l’Église, mais ils sont bien conformistes surtout aux dérapages ecclésio-canoniques de ce sens. C’est ainsi que l’Église ethno-universelle constitue le modèle caractéristique approprié des Églises nationales orthodoxes dans leurs orientations ou plutôt formations tardives et récentes.
Ce n’est un secret pour personne que la réalisation de l’Église tel qu’elle est pratiquée de nos jours au sein de l’Église orthodoxe à travers tout l’univers crée de tels dysfonctionnements qu’elle débauche purement et simplement sur l’anarchie. L’invention récente (année 2000) de la notion de “territoire canonique culturel”, fondée sur l’ethnie et ainsi sur l’ethno-phylétisme, donne un droit expansionniste d’action ecclésiastique universelle, invention qui fait pratiquement de chaque Église nationale une Église mondiale, universelle. Ceci étant, on annihile de même coup la territorialité ecclésiale eucharistique en instaurant pour chaque patriarche établi localement une sorte de pouvoir universel sur ses propres nationaux où qu’ils se trouvent de par le monde, et ce au mépris de la taxis fixée par les canons ecclésiaux et de la praxis ecclésiastique diachronique.
Cette approche ecclésiologique augustinienne s’est également insinuée, comme l’on a dit plus haut, dans la théologie de l’Orient orthodoxe. En effet, les Orthodoxes courent précipitamment derrière et œuvrent eux aussi, semple-t-il, à leur tour, à cette perspective récemment ouverte, qui relativise, à leur sens, de facto le passé ecclésio-canonique “déjà dépassé” ( ! ), la perspective de l’universalisation de l’Église. Malgré le fait que dans la praxis bimillénaire en Orient orthodoxe, l’Église est articulée différemment de celle de l’“Église universelle”, les Églises nationales orthodoxes de nos jours s’inspirent plus volontiers de cette nouvelle perspective. Dans le cadre de l’unification européenne et de la mondialisation, le messianisme ethno-religieux d’autrefois a pris la forme de l’universalisme ecclésiastique, notamment après la chute du mur de Berlin (1990), et fait introduire un nouveau type d’Église, comme l’on a dit, inconnue jusqu’ici : l’Église ethno-universelle.
En effet, chez les Orthodoxes, la nationalisation de l’Église, en liaison avec la mondialisation de la société, a amené fatalement à une tendance très constante et assez répandue, celle de l’universalisation de l’Église. C’est pratiquement une tendance du repli national pour affronter l’unification européenne et la mondialisation croissantes et, à leurs yeux, menacentes. Ce qui semble l’ambition principale des Églises nationales orthodoxes aujourd’hui est de faire reconnaître leurs indépendances nationales et leurs traditions propres dans un monde qui a connu l’Évangile, mais qui l’a oublié et bafoué. Ceux qui recherchent l’Évangile et qui s’adressent à l’Église orthodoxe, sont par la suite déçus, car ces Églises ne cherchent qu’à se délivrer de leur chape de plomb. On a l’impression que les Églises nationales orthodoxes présentes notamment en Occident n’imaginent pas avoir d’autre tâche que d’encadrer leur émigration homo-ethnique et rien d’autre.
Si nous prenions la peine de méditer un peu ce grand mystère de la présence des Orthodoxes en Europe occidentale et au sein du Patriarcat de Rome, ainsi que leur mode de présence dans ces territoires, c’est-à-dire le mode de “co-territorialité non-extérieure”, peut-être finirions-nous par comprendre que notre rôle n’est pas de vouloir substituer, sur son propre terrain, l’Église d’Occident. Ce n’est pas cela notre rôle, si nous souhaitons être vraiment en conformité avec la position ou plutôt le choix de l’Église orthodoxe après la “rupture de la communion” (1054) jusqu’à aujourd’hui (2009). Notre rôle est de nous convertir toujours davantage nous-mêmes à notre propre orthodoxie ecclésiale, de la rendre consciente, vivante, féconde, comme une invitation à l’initial conciliaire, et d’aider ainsi, par un témoignage désintéressé, les Chrétiens d’Occident (toutes tendances confondues) à retrouver, à revivifier leurs propres racines de l’Église ecclésiale du 1er millénaire.
D’un point de vue ecclésiologique et canonique, la caricature de l’Église universelle chez les Catholiques romains, au lieu de la minimiser au profit de la stabilité de l’Église locale et, par extension, de la communion, gagne de plus de terrain (cf. l’encyclique papale récente Subsistit it [juin 2007]), comme d’ailleurs chez les Orthodoxes, sauf que, chez ces derniers, la caractéristique sera la multitude des Églises (ethno)universelles ; on va en avoir plusieurs. La situation va téléologiquement s’aggraver encore et encore et la prolifération atypique de ce type d’Église va compléter l’époque post-ecclésiale de nos jours en plein développement. Toutefois, il y a un événement qui demeure foncièrement étonnant : Nous parlons de l’œcuménisme entre les Églises, mais ces nouvelles initiatives et données ecclésiales anéantissent tout démarche en ce sens, et, à plus forte raison, dans le sens de la communion. Car, on peut effectivement avoir de la communion entre les Églises locales, tout simplement parce que l’Église locale catholique est nécessairement à la fois locale [=altérité] et conciliaire [=communion], alors qu’on ne peut avoir de communion entre des Églises universelles, tout simplement aussi parce que l’Église universelle n’est ni locale, ni conciliaire — revendiquant l’“unique” et l’“exclusif” — et, par extension, ni catholique. Malgré l’exagération que cela puisse paraître, c’est une Église caricaturale, fantoche, sans aucun sens ecclésial et surtout pas eschatologique.
Toutes les Églises contemporaines, sans exception, indépendamment de leur dogme, sont tombées dans le grave péché d’identifier le Christianisme avec leur propre culture déchue et éphémère (culturalisme chrétien). Ainsi, il existe aujourd’hui autant de Christs que d’Églises ! Le Christ russe, par exemple, diffère radicalement du Christ grec et la croyance qui prédomine en Russie est que celui qui n’est pas né sur la sainte terre de Russie ne peut être sauvé, car seuls les autochtones ont le droit et la capacité d’être de vrais orthodoxes. C’est pour cette raison aussi que cette terre est réservée uniquement pour les orthodoxes et que les “autres” n’ont pas le droit d’y pénétrer. Mêmes les Juifs ont accepté des prosélytes d’autres nations et leur ont donné l’espoir du salut. Ceci, cependant, est inconcevable pour les chrétiens nationalistes et culturalistes.
C’est de considérer le Christianisme comme facteur de la culture et de l’identité culturelle d’un peuple qui est à l’origine de l’hérésie ethno-phylétique (cf. Concile pan-orthodoxe de Constantinople de 1872). L’idée que Dieu favorise ou aide une nation contre toutes les autres avilit la divine innocence à un degré blasphématoire. Ce à quoi il faut particulièrement prendre garde est que, dans nos pays, s’est développé, en raison, il est vrai, des luttes menées par certains membres de l’Église pour l’indépendance de la nation, un esprit servile qui associe, strictement et unilatéralement, l’Orthodoxie à la Nation. L’idéologie du « Christianisme ethnique culturel » appartient au domaine de la propagande socio-politique et est incompatible avec l’esprit de l’Église du Christ. Même la faveur divine envers Israël a été, comme l’atteste la Bible, limitée temporellement et accordée sous certaines conditions dont la transgression a fait tomber de graves châtiments sur la tête des Hébreux, à chaque fois qu’ils s’en montraient indignes.
Tant que l’Église orthodoxe ne crée pas de diocèses de plein exercice sur le territoire du Patriarcat de Rome — celui-ci faisant exactement le contraire au sein des autres Patriarcats et des Églises autocéphales — et qu’elle ne convoque pas de Concile œcuménique qui lui soit interne, la vision de “l’union des tous” reste toujours vivante. Dans la même perspective, l’Église orthodoxe refuse de voir l’Église, son soi-même, comme une “confession chrétienne”, dans le contexte de la prolifération atypique des confessions chrétiennes.
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L’ecclésiologie ecclésiale exclut par définition deux comportements malheureusement aujourd’hui fort répandus : le culturalisme ecclésiastique (rituel, confessionnel et ethno-phylétique) dans l’Église et l’universalisation de l’Église. Le culturalisme ecclésiastique est responsable d’une multitude de déchirures que l’œcuménisme s’est montré jusqu’ici impuissant à raccommoder. Si les Chrétiens sont désunis, c’est bien parce qu’ils ont abandonné l’ecclésialité au profit du culturalisme de leur choix ou de leur racine, et ils ont introduit la division dans l’Église en la faisant culturellement multiple. Et ce culturalisme chrétien, cette hérésie ecclésiologique du 2e millénaire, paraît s’être prolongé dans la société conséquemment déchristianisée avec la théorie contemporaine de la co-existence ecclésiale toujours possible (sic) et du pluralisme ecclésiastique, ce qui détruit l’Église ecclésiale. Si la coexistence fraternelle inter-Églises est en elle-même une acquisition fructueuse, il ne s’agit cependant pas d’ecclésiologie en communion…
Comme je suis invité aujourd’hui à parler aussi dans une “perspective orthodoxe”, il faut rappeler que c’est l’honneur et la grandeur de l’Orthodoxie d’avoir maintenu dans son Credo conciliaire, non point seulement l’affirmation que le Saint Esprit procède du Père seul et non pas aussi du Fils, mais encore l’affirmation que les Orthodoxes croient en l’Eglise, alors que dans la tradition latine, depuis Pierre Chrysologue jusqu’au cardinal de Lubac, en passant par Paschase Radbert et Karl Barth, on considère qu’on ne peut croire qu’en Dieu seul. Dire que nous croyons en l’Eglise, c’est affirmer qu’elle n’est pas pour nous quelque chose mais quelqu’un. Pas chose (p.ex. institution, comme l’université ou le Palais de justice, etc.) mais corps, corps vivant. Affirmer, dans le Credo, notre foi en l’Eglise une, c’est dire que nous croyons en elle comme Épouse du Christ ne faisant qu’une seule chair ressuscitée avec Lui. Or, l’Eglise est notre Mère (Mater Ecclesia). On croit en une mère, on ne croit pas en une institution. Or l’Église n’est autre que le Corps du Christ, elle est Christ ! Il n’y a qu’un Christ, le totus Christus. On ne peut pas diviser le Christ en deux, trois ou quatre Christs. De la même façon, il ne peut y avoir qu’une Église sur le même territoire ecclésial [eucharistique]. On ne peut pas non plus diviser l’Église en deux, trois ou quatre Églises dans le même endroit et sur le même territoire. Néanmoins, c’est exactement ce que nous réalisons aujourd’hui : pas d’Église une — foin de cela ! —, mais des Églises multiples, rituelles, confessionnelles ou nationales, des Églises plurielles et universelles. Et l’Eglise, bien loin de se réduire à n’être qu’une institution, une réalité du monde spatio-temporel, un phénomène culturel, sociologique et juridique, l’Église est un mystère divino-humain qui se situe bien au-delà de ce que nous voyons, disons et comprenons. En tout cas, dans l’Église telle que la comprennent la Bible et les Pères, la réalité culturaliste que nous vivons par choix conscient et volontairement de nos jours, ce qui nous divise, est inexistante. « L’Église n’existe pas pour que nous restions divisés en y venant, mais bien pour que nos divisions soient éteintes » (St Jean Chrysostome, Homélie sur 1 Cor., 10, 17). Voilà ce que veut dire “croire en l’Église”. Mais, ici encore, les Chrétiens ne sont crédibles que s’ils consentent à tirer toutes les conséquences ecclésiologiques et canoniques de leur conception culturaliste contemporaine de l’Église.
C’est pour cette raison-là que je suis profondément étonné, pas tellement par les Catholiques romains et les Protestants, mais surtout par les Orthodoxes. En Occident, la liquidation confessionnelle à couleur catholique ou protestante de l’Église me paraît plus naturelle, vue l’approche qu’on a là pour l’Église. Celle-ci est une institution (c) ou, à la limite, une association (p), comme beaucoup d’autres dans la société. Or la co-existence ecclésiale peut être en plus fortuite pour la société, car on voit cette co-existence — qui est, à mon sens, totalement anti-ecclésiologique et anti-canonique — comme pluralisme religieux. Mais les Orthodoxes, chaque dimanche et chaque jour, déclarent qu’« on croit en l’Église une et catholique ». Partir dans le fléau de l’universalisation de l’Église veut dire que, finalement, on ne la croit pas, malgré les déclarations pertinentes ! À côté de cet héritage lourd diachronique, on a condamné aussi le culturalisme, en l’occurrence ethno-phylétique, en 1872, comme hérésie ecclésiologique, ce que nos frères Occidentaux n’ont pas eu le courage théologique, même jusqu’à nos jours, de le faire. Aujourd’hui cependant, où que la présence orthodoxe se manifeste, nous liquidons culturellement l’Église, alignés à l’hérésie que nous-mêmes, nous avons condamnée. C’est justement cela qui est incohérent avec les Orthodoxes. C’est ainsi que, nous, nous sommes déboussolés, empêtrés dans nos contradictions. Mais qu’il est difficile, qu’il est onéreux d’être ce que l’on dit, de faire ce que l’on écrit !
Quant à l’universalisation de l’Église, il faut être réalistes : c’est un fait bien établi que la décision papale (2006) est le fruit de cette réalité établie, non pas la cause, et que la propension des Églises (ethno)universelles pour les orthodoxes est de nous montrer ce que les Pères ont appelé une unité ontologique perdue. Cette constatation nous invite à revendiquer, à exiger, au besoin par la contrainte, ce qui nous est dû. Mais, je pense qu’il s’agit désormais d’une affaire — humainement parlant — perdue et irréversible…
Néanmoins, il est absolument indispensable que nous efforcions de remonter le courant de l’histoire et atteindre ensemble le tronc commun ecclésiologique précédant nos divisions et conflits survenus à cause de la domination du culturalisme ecclésiologique et, tout récemment, de l’universalisme ecclésiastique. C’est ainsi que peuvent être touchés les problèmes ecclésiologiques les plus désespérés, entre autres, le culturalisme ecclésiastique, l’Église universelle, la primauté universelle romaine, l’autorité dans l’Église, l’uniatisme, la “diaspora”, toute cette théologie ecclésiale défaillante à cause du fait qu’elle est soumise aux exigences ambitieuses de la politique géo-ecclésiastique, etc. On s’est perdu dans les méandres du dialogue œcuménique sans aucun résultat ecclésiologique concret. Dans ce cas-là, notre dialogue œcuménique devient aléatoire.
Conclusions
Nous devons dorénavant nous interroger sur la place démesurée que les deux problèmes ecclésio-canoniques majeurs, le culturalisme dans l’Église et l’universalisation de l’Église, ont prise dans la vie ecclésiale. Dans notre étude récente publiée dans la Revue Istina (vol. 51, n° 1 (2006), p. 64-84), nous avions évoqué le culturalisme ecclésiastique ritualiste (c), confessionnel (p) et ethno-phylétique (o). Aujourd’hui, nous examinons cet autre problème ecclésiologique et canonique majeur, lié directement aussi au processus de l’unification européenne, problème qui est en plein développement et qui enveloppe aujourd’hui beaucoup d’Églises : universalisation de l’Église c’est son nom, le problème ecclésiologique du 3e millénaire, qui ne fait que commencer à apparaître de façon systématique et largement répandue et qui va nous troubler encore et encore. Le Christianisme de nos jours demeure artisan de divisions d’une telle façon que personne d’autre n’est capable (“théologiquement”) d’imaginer… Et nous, nous voulons aujourd’hui et nous prétendons encore placer ce Christianisme dans la société et la Constitution européennes ? Les hommes sont et vivent déjà dispersés, à cause de la chute humaine. Les Églises culturelles post-ecclésiales ajoutent aujourd’hui des raisons supplémentaires dans cette dispersion : rites (c), confessions (p), origines ethniques (o). Et cela tout au cours du 2e millénaire. Et cela n’est pas fini !…
Durant le 2e millénaire et jusqu’en 2006, l’Église catholique romaine — comme les autres Églises d’ailleurs — privilégiait l’universalisme ecclésiastique culturellement. À partir de 2006, c’est-à-dire à partir du moment où le Pape s’est dévêtu de la dignité du patriarche de Rome, elle privilégie l’universalisme ecclésiastique territorialement. En d’autres termes, jusqu’en 2006, l’Église catholique romaine était culturellement universelle. À partir de 2006, elle est territorialement universelle. C’est justement cela qui marque la différence de cette nouvelle phase où nous sommes à peine entrés, celle de l’universalisation territoriale de l’Église.
Plus précisément encore, l’année 1099, à travers la pratique de la co-territorialité culturelle, fait alors entrer l’Église dans une nouvelle époque, celle du culturalisme ecclésiastique, qui couvre l’ensemble du 2e millénaire. L’année 2006 fait entrer l’Église encore dans une autre nouvelle époque, celle de l’universalisation culturelle de l’Église, suite à la décision officielle papale qui inaugure les orientations et la politique ecclésiastiques du 3e millénaire. Ce sont les deux périodes qui marquent les étapes de la post-ecclésiologie et l’époque post-ecclésiale. L’initiateur pour les deux inaugurations, et pardonnez-moi de le signaler fraternellement et sans polémique, demeure l’Église catholique romaine qui, suite à la décision papale de renoncer à tout appui à la localité ecclésiale plaidoyant pour un universalisme ecclésiastique à la dimension de l’univers, veut s’inspirer plutôt du culturalisme ecclésiastique du 2e millénaire que de l’ecclésialité territoriale du 1er millénaire. C’est ainsi que l’Église latine adopte une nouvelle orientation aussi bien de sa constitution en tant qu’Église que de formation de nouvelles Églises établies localement dans le monde entier.
Les conséquences sont évidentes pour la suite qui s’ouvre devant cette orientation. L’Église latine réserve ses pleins droits — maintenant et désormais — canoniques pour fonder où elle veut des Églises, comme elle faisait d’ailleurs auparavant durant le 2e millénaire, sauf que dorénavant elle n’encourt pas la peine de nullité de ces fondations anti-ecclésiologiques, qui dorénavant “ne sont plus” des fondations extraterritoriales et empiétinantes (sur les autres Patriarcats), comme l’Ecclésiologie ecclésiale le qualifie, malgré le culturalisme ecclésiastique dominant du 2e millénaire. Son action désormais ne peut plus être qualifiée d’anti-ecclésiologique et d’anti-canonique, justement parce que son “territoire canonique” n’est plus le territoire du “Patriarcat de Rome” ou du “Patriarcat d’Occident”, mais le territoire de toute la terre, le territoire de l’univers, ce qui donne un contenu territorial réel au qualificatif “[Église] universelle”, alors que ce même qualificatif jusqu’en 2006 avait seulement un contenu culturaliste-ritualiste plus ou moins superflu.
En conformité avec cette nouvelle “Ecclésiologie”, il faut signaler les conséquences : les autres Églises territoriales orthodoxes ou protestantes n’existent évidemment plus. En 2006, on a refusé la territorialité ecclésiastique d’un locus comme depuis longtemps dépassée par les circonstances géopolitiques nouvelles, et l’on a acquis la territorialité ecclésiastique autrement, de façon singulière, unilatérale et exclusive, héno-confessionnelle, sur un plan universel.
Enfin, une remarque est aussi nécessaire pour la compréhension de ce problème si compliqué sans solution vraiment palpable. Historiquement parlant, le culturalisme ecclésiastique commença à être visible deux siècles plus tard de son apparition. Combien de temps faudra-t-il pour que l’universalisme ecclésiastique puisse devenir visible et palpable ?… Même s’il est encore très prématuré de tirer toutes les conséquences que cela impose, toutefois on peut pour l’instant signaler qu’un tel acte légitime l’absorption ecclésiastique, condamnée déjà conciliairement par le IVe Concile œcuménique de Chalcédoine (451) — le même Concile qui a institué l’Église de Rome comme Patriarcat. Et c’est maintenant que l’on peut comprendre pourquoi, entre autres, on a conciliairement institué l’altérité territoriale ecclésiastique. C’est ce même Concile œcuménique qui a confirmé la pratique ecclésiale de quatre siècles précédents, à savoir l’« altérité géo-ecclésiastique » comme condition préalable de la « communion ecclésiale », et vice-versa. Ce nivellement des altérités ecclésiales, inauguré par la décision papale de 2006, ne connaît aucun précédent analogue dans l’Histoire bimillénaire de l’Église. Et, dans l’ecclésiologie ecclésiale diachronique, le dilemme demeure désormais inexorable devant nous : ignorer cette Église prétendue anti-ecclésiologiquement “universelle” et continuer à vivre sans attendre rien de sa part pour la ré-union ecclésiale, continuant ainsi à vivre et à s’organiser autrement, ou agir théologiquement ?… La réponse à ce dilemme nous dépasse, et il appartient aux Églises de répondre comment elles vont agir devant cette absorption ecclésiale, déjà universellement commencée et surtout territorialement réalisée…
Bilan schématique d’évolution ecclésiologique trimillénaire
1er millénaire ® 2e millénaire ® 3e millénaire
Ecclésialité territoriale ® Culturalisme ecclésiastique ® Universalisme ecclésiastique ¯ ¯ ¯ Mono-territorialité eucharistique ® Co-territorialité culturelle ® Mono-territorialité universelle ¯ ¯ ¯ Territoire canonique eucharistique ® Territoire canonique culturel ® Territoire canonique universel ¯ ¯ ¯ Église ecclésiale ® Églises plurielles culturelles ® Églises plurielles universelles ¯ ¯ ¯ Église locale ® Église rituelle multiple ® Église rituelle universelle Église confessionnelle multiple Église confessionnelle universelle Église nationale multiple Église nationale universelle ¯ ¯ ¯ Église territoriale ecclésiale ® Église territoriale culturelle ® Église territoriale universelle ¯ ¯ ¯ Église établie localement ® Église établie localement ® Église établie localement ecclésiale culturelle universelle
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Le problème ecclésio-canonique évoqué et futur, celui de l’universalisme ecclésiastique, est désormais plus manifesté et visible. En voie de conséquence, dans l’avenir, nous aurons fatalement plusieurs Églises universelles et, cette fois-ci, parallèles et superposées. Et c’est ainsi que la destruction de l’Église ecclésiale, inaugurée tout au cours du 2e millénaire par le culturalisme chrétien sera universellement achevée.
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* Texte publié dans Istina, t. 55, n° 2 (2010), p. 153-174, et Kanon, vol. 21 (2010), p. 236-256.