Saint Honorat
Viimati muudetud: 24.03.2015
Saint Honorat, fondateur de Lérins et évêque d’Arles
L’archipel de Lérins, au large de Cannes, est formé de deux îles. La plus grande est l’île de Sainte-Marguerite, celle que l’on découvre la première à l’horizon. Derrière elle se cache l’île plus petite de Saint-Honorat. Elle porte le nom du saint dont nous allons faire connaissance.
Incertitudes sur la vie de saint Honorat
C’est saint Hilaire d’Arles, successeur d’Honorat sur ce siège épiscopal, qui nous renseigne le mieux sur la vie d’Honorat. Les autres sources d’information sont peu nombreuses et très fragmentaires. Les repères chronologiques font défaut. La seule date qu’il soit possible de fixer, sans certitude absolue cependant, est celle de sa mort, en janvier 430. Mais comme on ignore son âge exact au moment de son décès, il est bien difficile de savoir à quelle date précise il est né. On suppose qu’Honorat a pu voir le jour vers 370 à Trèves (A l’époque romaine, cette ville de Rhénanie s’appelait Augusta Trevirorum. Centre des opérations militaires des Romains sur le Rhin, c’était une des villes les plus importantes de l’Empire. Elle fut la patrie non seulement de saint Honorat, mais aussi de saint Ambroise de Milan et de… Karl Marx ! Saint Athanase y fut envoyé en exil). Mais peu importe. Car bien plus passionnante et attachante est la sainteté d’Honorat, si l’on considère la noblesse de ses origines et les talents qui le destinaient à une brillante carrière civile.
La conversion d’Honorat
Honorat appartenait à l’aristocratie gallo-romaine pour qui le consulat apparaît encore, au cinquième siècle, comme le plus beau couronnement d’une carrière. Sa famille était aisée. Elle possédait des domaines dont Honorat hérita avec son frère à la mort de leur père. Ce dernier était probablement déjà avancé en âge au moment de la conversion de son fils. L’enfance d’Honorat fut choyée, sa jeunesse se passa dans la richesse et le luxe. Il reçut une éducation classique (sur ce que fut l’éducation classique dans l’Antiquité, en Grèce et à Rome, il faut lire le beau livre magistral d’H.I. Marrou. Histoire de l’éducation dans l’Antiquité. Coll. «Esprit». Ed. du Seuil, 1948). Hilaire parle avec admiration et vénération des lettres écrites par Honorat. Il nous dit aussi que, devenu évêque d’Arles, Honorat prêchait chaque jour avec perspicacité et clarté, surtout lorsqu’il dissertait sur la divine Trinité. La vocation religieuse d’Honorat se manifeste très tôt et le désir du baptême semble lié à l’attirance qu’il éprouve pour la vie monastique. Et c’est ce renoncement au monde qui va entraîner l’hostilité de sa famille, en particulier celle du père qui voyait s’effondrer tous les espoirs placés en son jeune et brillant fils. Doit-on déduire de cette attitude que sa famille était païenne ? Cela n’est pas évident. Car le milieu où grandit Honorat était sûrement imprégné de christianisme. Sinon, comment son désir du baptême aurait-il pu se manifester si tôt ? D’après Hilaire d’Arles, le jeune Honorat n’avait à cette époque pas plus de douze ans. Son père chercha donc par tous les moyens à le détourner du baptême et tenta de le distraire par toutes sortes de divertissements : chasse, jeu de balle, course, saut, natation ). Mais ce fut en vain : Honorat tint bon et patienta jusqu’à l’adolescence. Il entama alors un catéchuménat qui dura trois années. C’est bien un tout jeune homme qui s’élance alors vers la vie religieuse. Son frère aîné, Venantius, se convertit à son tour. Et tous deux se mirent à pratiquer l’ascèse dans leur patrie, à Trèves. Dans leur demeure, dont ils ont hérité, et qui avait connu le faste et les brillantes réceptions, ils accueillaient les voyageurs et offraient l’hospitalité aux pauvres sur leurs propres terres. Ils cherchaient en tous points à mettre en pratique les préceptes de l’Evangile. Et ils y réussirent si bien que leur renommée se répandit et déborda la ville et la contrée, au point que, effrayés par leur propre gloire, ils décidèrent de fuir en vendant tous leurs biens afin d’en distribuer aux pauvres les bénéfices
Le voyage en Orient
Voici donc nos deux frères escortés par leur ami Caprais, quittant leur patrie pour échapper avant tout à une renommée encombrante qu’ils jugent contraire à leur esprit d’humilité. Où songent-ils aller ? Nul ne le sait. Ils recherchent d’abord l’obscurité dans un pays étranger. Rien ne nous dit qu’ils aient eu l’intention de gagner des contrées lointaines comme l’Egypte ou la Palestine, pépinières du monachisme oriental. Ils s’embarquent à Marseille pour rejoindre la Grèce. Hélas, Venantius y meurt. Et Honorat, malade, après ce séjour malheureux, revient en Occident afin de poursuivre son ascèse sous des cieux plus cléments. Après un bref séjour en Italie, où il noue des liens d’amitié avec les communautés chrétiennes du pays, il rentre en Gaule du sud pour s’installer à Lérins.
L’installation à Lérins
C’est par la route et à pied que Caprais et Honorat, cheminant sur la voie Aurélienne (la via Aurelia longeait la côte de Toscane et menait en Gaule), empruntent le vallon de Laghet, se désaltérant peut-être à la source au pied de laquelle s’élèvera au XVIIème siècle le sanctuaire marial de N.-D. de Laghet. Ils passent la nuit à Cimiez, alors grande cité romaine. Puis, reprenant la belle route tracée sous les oliviers, les pins et les chênes-lièges, ils franchissent le Var au gué de Saint-Christophe, et continuent vers Saint-Jeannet et Vence. Délaissant Antibes, grand port romain à l’époque, ils cheminent le long de la mer, puis remontent jusqu’à Vallauris, pour atteindre enfin le castrum qui, de la colline du Pézou, domine l’actuelle rade de Cannes. Honorat et Caprais sont saisis par l’admirable paysage. Baignant dans les eaux bleues de la Méditerranée, deux îles s’étendent à quelques brasses du rivage : Léro et Lérina. Suivant sans peine la voie Aurélienne, ils s’enfoncent dans les massifs boisés de l’Estérel, puis empruntant une voie étroite qui s’élève vers un col, entre le pic d’Aurelle et le pic du Cap-Roux, ils s’y arrêtent pour y passer la nuit. Ils aperçoivent des châtaigniers sous l’ombre fraîche desquels coule une source limpide. On peut aisément imaginer qu’ils trempèrent dans l’eau vive leurs mains et leur visage brûlé par le soleil, et qu’ensuite ils mangèrent des châtaignes et les fruits rouges des arbousiers selon la saison durant laquelle eut lieu leur voyage. Caprais connaissait sans doute les lieux. Cherchant un refuge pour la nuit, les deux pèlerins escaladèrent le pic du Cap-Roux. Presqu’au sommet, une excavation du rocher forme une grotte profonde où ils s’installèrent. Ils se mirent à prier. Lorsqu’ils achevèrent leur prière, la nuit était tombée, vivante de milliers d’astres. Elle leur faisait penser au désert. Ils s’endormirent dans la paix. Le lendemain, ils reprirent leur route, abandonnant avec regret ce lieu privilégié de parfaite solitude. Après une étape à Agay, ils atteignirent Fréjus, grande cité romaine militaire où ils s’arrêtèrent. Ils avaient une lettre de recommandation pour Léonce, le nouvel évêque qui dirigeait la petite communauté chrétienne. Hilaire d’Arles ne nous dit pas combien de temps Honorat et Caprais demeurèrent à Fréjus. Peut-être fût-ce plusieurs années, car Léonce avait besoin de missionnaires pour évangéliser la région. Par contre, nous savons qu’Honorat devint célèbre et que les foules accouraient de loin pour entendre sa parole. Mais cette célébrité lui devint pesante et pour finir intolérable. L’appel de la solitude retentissait en lui de façon de plus en plus impérieuse. Il fallut donc partir. La grotte du Cap-Roux, perdue dans le désert odorant du massif de l’Estérel, avec sa source au pied de la montagne, l’appelait. C’est là qu’avec Caprais il tentera de mettre en pratique les enseignements des Pères du désert. Honorat descendait parfois de la montagne pour exercer son apostolat auprès des pêcheurs du petit port d’Agay. Mais bientôt la grotte reçut la visite des quémandeurs. Il fallut donc partir à nouveau ! Mais où ? A Lérins, bien sûr, sur la petite île qui ressemblait à un désert. Honorat demanda à un pêcheur d’Agay de les conduire sur l’île. Ce fut la stupeur et un concert de lamentations : l’île était petite, inhabitable, sans eau, remplie de serpents. Mais rien de tout cela ne fit peur à Honorat ni à Caprais. Finalement, il se trouva un pêcheur assez courageux, — ou assez inconscient ! — pour accepter de les conduire à Lérina. Personne ne croyait qu’ils y resteraient plus d’une journée. La légende raconte que, lorsque Honorat posa le pied sur Lérina, celle-ci trembla ! Les serpents grouillaient partout. Honorat étendit les mains et invoqua le Christ. Aussitôt tous les serpents expirèrent en provoquant une odeur pestilentielle. Honorat se remit alors à prier. Le vent se leva et un raz de marée balaya l’île. Honorat et Caprais s’étaient réfugiés en haut d’un palmier. Quand la mer se retira, l’île était purifiée, le soleil brillait et dans les buissons chantaient les premiers oiseaux venus du continent. Mais passons de la légende à la réalité. Honorat et Caprais arrachèrent petit à petit les ronces, les salsepareilles, et bientôt abondèrent lentisques, cistes, genévriers et genêts. Honorat et Caprais bâtirent deux abris sommaires avec des pierres plates et des branchages, et ils reprirent la vie érémitique commencée au pic du Cap-Roux. Ainsi, peu à peu, dans l’absolue solitude de Lérins à peine troublée par le passage, de temps en temps, d’un pécheur qui apportait l’eau et quelques galettes de pain, offrande du petit peuple fidèle d’Agay, Honorat se préparait à la plus haute perfection, en compagnie de Caprais. Mais, comme il fallait s’y attendre, l’installation d’Honorat et de Caprais à Lérins provoqua un grand mouvement de curiosité sur tout le littoral. Et au grand désappointement des deux solitaires, se produisit le contraire de ce qu’ils avaient espéré : de plus en plus nombreuse la foule réapparut devant leur ermitage. Certains, parmi cette foule, touchés par l’exemple des deux moines, se construisaient un abri sur le rocher, quémandant humblement chaque jour un conseil pour se livrer à leur tour aux mortifications corporelles et à la purification de l’esprit, prélude au grand voyage vers les immensités intérieures où les happait l’irrésistible appel de Dieu. Peu à peu se constituait sur l’île, contre le désir des deux moines, ce type intermédiaire entre l’érémitisme et le monastère organisé : la laure, où chacun vivait seul dans son abri pour se retrouver le dimanche à la célébration de la synaxe eucharistique. L’évêque Léonce avait ordonné prêtre Honorat qui s’en était défendu en vain. Après avoir longuement prié, Honorat demanda conseil à l’évêque Léonce, et il se décida, à l’heure même où Cassien songeait à fonder à Marseille le grand monastère de Saint-Victor, à faire à son tour acte solennel de cénobitisme. Il grouperait autour d’une règle monastique commune inspirée des Pères, les hommes épris de Dieu et prêts à tout quitter pour son seul amour. Peu d’éléments permettent de fixer la date de la fondation du monastère de Lérins. La première mention remonte à Paulin de Nole, dans une lettre adressée à Eucher de Lyon entre 412 et 420. Aux environs de 427, Cassien parle à propos de Lérins d’une immense communauté de frères, ce qui laisse entendre que le monastère existait depuis plusieurs années. On situe généralement dans la deuxième décennie du Vème siècle l’installation d’Honorat sur l’île, donc vers 410. Les débuts de la vie monastique à Lérins. Pour désigner l’île d’Honorat, Hilaire d’Arles utilise à plusieurs reprises le mot désert selon une tradition qui remonte aux premiers moines d’Orient qui, dès le troisième siècle avaient choisi de vivre en solitaires dans les déserts égyptiens notamment. Ce mode d’existence fut révélé à l’Occident grâce à la Vie de saint Antoine composée par saint Athanase vers 357 et traduite du grec en latin vers 370-374 par Evagre d’Antioche. Mais si les déserts se peuplent de moines, vivant chacun dans sa cellule et se regroupant de temps à autre auprès d’un père spirituel, on sait qu’il existe aussi, dans tout l’Orient chrétien antique – Egypte, Syrie, Asie Mineure — un autre type d’organisation monastique qui privilégie la vie en communauté et dont saint Pacôme fut le fondateur. De 358 à 379, Basile de Césarée, par exemple, fonde et gouverne des monastères auxquels il donne des Règles monastiques. Or, depuis 397, circule une traduction en latin de la rédaction primitive de l’oeuvre de saint Basile, le Petit Asceticon. Il est possible qu’Honorat ait connu cette version lors de son passage en Italie. Au moment où Honorat décida de s’installer dans l’île de Lérins, le mouvement monastique a atteint l’Occident. Saint Athanase exilé à Trèves en 336, puis à Rome en 341 l’a certainement fait connaître. Vers 360, saint Martin s’établit dans la solitude à Ligugé, près de Poitiers. Devenu évêque de Tours, il fonda un monastère à Marmoutier. En 382, Jérôme venu vivre à Rome auprès du pape Damase avait propagé l’idéal ascétique. En 386, un monastère naît à Milan. Enfin, Augustin lui-même, évêque d’Hippone, établit un monastère épiscopal où il vivait en communauté avec tout son clergé sous une règle stricte : ascèse faite d’obéissance, de continence, de pauvreté, d’humilité. Parmi tous les modèles de vie monastique il n’est pas facile de dire quel est celui que choisit Honorat. Au départ, c’est vers une forme de vie cénobitique que tous les indices nous orientent. Et nous avons vu qu’en 427 Cassien parle d’une immense communauté de frères. Le mot utilisé par Cassien est coenobium, qui désigne précisément un monastère où l’on vit en communauté, selon une règle. Honorat n’a jamais eu comme saint Antoine le désir de vivre dans un isolement complet. Il brûle, c’est vrai, d’être retranché du monde. Mais dès lors que d’autres hommes éprouvent ce même besoin, il ne les rejette pas. Et ce nombre devint suffisamment important pour justifier la construction d’une église et de bâtiments adaptés à l’habitat des moines. Le récit de saint Hilaire d’Arles, qui suit l’ordre chronologique, permet de penser que ces installations ont été réalisées très tôt. S’il y a eu une expérience de la vie érémitique pour Honorat, celle-ci n’a pas duré longtemps. Car le témoignage d’Hilaire montre bien qu’Honorat est toujours resté en contact avec les communautés chrétiennes auprès desquelles il s’était installé. Les liens noués en Italie avec le clergé, l’affection qui l’attache à l’évêque de Fréjus, sont autant de preuves de l’importance que Honorat a toujours accordée aux relations humaines. Et l’évêque Fauste de Riez, dans un passage de son sermon dédié à Honorat, nous dit : En vérité, ils ont été comblés de joie ceux qui ont eu le bonheur de vivre aux côtés d’Honorat, de manger avec lui et d’être soldats de Dieu sous sa discipline
Une structure verticale et hiérarchisée
Le renom du fondateur de Lérins a dépassé très vite les limites de la Provence et du sud de la Gaule. Le retentissement de Lérins, son rayonnement da pas tardé à susciter des vocations illustres : Hilaire d’Arles, Loup de Troyes, Hucher de Lyon, Vincent de Lérins, Fauste de Riez, Salvien de Marseille. Tous ont vécu dans l’île avant l’an 430 et parmi ces hommes qui venaient rejoindre Honorat, beaucoup étaient originaires du nord de la Gaule. Les textes d’Hilaire d’Arles et de Fauste de Riez parlent de la vie harmonieuse des membres du monastère regroupés autour de son fondateur. Les deux auteurs insistent sur le rôle essentiel que joue Honorat à la tête de sa communauté. Fauste de Riez insiste tout particulièrement sur sa fonction de pasteur attentif qui veille, en gardien vigilant de son troupeau, et qui lui montre le chemin de la vie éternelle. Chef spirituel, guide infatigable, tel Moïse il ouvre le chemin du désert et délivre ses frères de la servitude. Avec Caprais qui n’a jamais quitté Honorat, ils étaient comme les deux colonnes qui précédaient les fils d’Israël pour leur montrer la route. Mais Honorat, pasteur qui guide et protège son troupeau, évoque aussi le Christ lui-même : Je suis le bon pasteur, dit Jésus, je connais mes brebis et mes brebis me connaissent (Jean 10, 14). Par la perfection de ses vertus, Honorat est l’image même du Christ. Ce rapprochement suggéré par Fauste de Riez est manifeste dans le sermon d’Hilaire d’Arles : Il a cherché à rejoindre Honorat celui qui a désiré le Christ, et vraiment c’est le Christ qu’il a trouvé, celui qui a cherché à rejoindre Honorat. Par sa douceur, c’est à l’amour du Christ qu’il invite tous ses frères. En aimant ses frères, il fait naître l’amour du Christ dans leurs cœurs. Inversement, ces hommes partagent un même amour pour Honorat. Il est le médiateur qui leur permet d’accéder à l’amour de Dieu. Ainsi Honorat, aimé de tous, n’occupe pas seulement une place centrale au milieu de ses frères. L’amour qui l’unit à chaque membre de la communauté s’exerce aussi selon une ligne verticale à l’intérieur d’une structure hiérarchique dans laquelle il occupe une place intermédiaire entre Dieu et les frères de la communauté monastique. Et cette structure se retrouve dans l’organisation de toute la vie communautaire. Honorat est appelé maître et père par les frères qui lui doivent obéissance. Cependant, Honorat dirige son monastère avec une autorité bienveillante. Pour changer ce qui avait besoin d’être corrigé, le plus souvent il changeait sa façon même de corriger, si bien qu’il suscitait autant d’amour que de crainte. Et les frères qui l’aimaient tant essayaient de ne point commettre de fautes. Et la crainte qu’il provoquait faisait naître l’amour de la discipline.
Discipline et Règle
Les moines étaient donc soumis à une discipline qu’Honorat se réservait le droit d’adapter à chacun. La première des exigences était l’obéissance, première vertu du vrai moine. L’autorité d’Honorat s’exerçait dans tous les domaines de la vie quotidienne : travail, sommeil, nourriture étaient selon Hilaire d’Arles, adaptés à la constitution physique de chacun. Honorat avait le souci d’apaiser les querelles qui pouvaient naître entre les frères, et de maintenir la cohésion de sa communauté. La soumission des moines à ses exhortations s’accompagnait en retour d’une sollicitude constante à l’égard de chacun. Honorat s’efforçait ainsi de rendre plus léger le joug du Christ, et de faire naître la joie dans le cœur des frères. Cette joie de vivre sous la discipline d’Honorat est mentionnée par Fauste de Riez dans un passage où il évoque la sainte Règle qui permet au monastère d’assurer sa solidité. L’emploi du mot règle ne suffit pas à attester l’existence, à Lérins, d’une règle monastique rigoureusement définie. Il peut s’agir simplement d’un ensemble de préceptes qu’Honorat a appliqués à Lérins. Cette règle ou ces préceptes tirés de l’enseignement des moines d’Egypte, semblent n’avoir jamais été formulés par écrit. Ce qui ne signifie pas que la Règle n’ait jamais existé. De toute manière, nous savons par Hilaire d’Arles et par Fauste de Riez, les principaux témoins de saint Honorat, que l’obéissance, l’humilité, l’égalité d’humeur, l’amour fraternel, le silence, les jeûnes et les mortifications, la célébration liturgique et la prière personnelle, la méditation et le travail manuel étaient de rigueur à Lérins, et que tout cela faisait office de Règle. Honorat fuyait la renommée, mais plus il la fuyait plus elle s’attachait à lui, et qu’il le voulût ou non, partout où il allait, la renommée l’accompagnait. Car, par l’exemple de ses vertus il régénérait tous les lieux où il séjournait. Partout, nous dit Hilaire d’Arles, il répand la manne et exhale le doux parfum du Christ. Son monastère était un phare, dont la réputation s’étendra très tôt à toute la Gaule. Il attirait une multitude de visiteurs, de pèlerins, et surtout des pauvres venus des régions les plus diverses. Honorat distribuait sans compter et parfois son trésor se trouva épuisé. Sa foi ne le fut jamais. Et Hilaire nous raconte qu’un jour le coffre ne contenait plus qu’une seule pièce d’or. Un pauvre se présenta, Honorat la lui donna et à Hilaire inquiet il dit : Puisque nous n’avons plus rien à donner, il est bien certain que quelqu’un est en route pour nous apporter de quoi pouvoir le faire encore. Effectivement, à la tombée du jour, un donateur se présenta. Avec la charité, le secret de la réussite d’Honorat était la joie. Tel fut Honorat, fondateur de l’abbaye de Lérins en Provence. Mais sa réputation allait lui jouer, une fois encore, un drôle de tour. A la mort de l’évêque d’Arles, il allait devoir quitter son île bienheureuse pour être, contre son gré, placé sur le siège épiscopal d’Arles.
Saint Honorat, évêque d’Arles
Honorat avait été ordonné prêtre malgré lui par l’évêque Léonce de Fréjus. Et lui qui avait toujours fait preuve d’une humilité exemplaire et souhaitait finir sa vie dans la solitude, la paix et même l’oubli, devait donc recevoir la consécration épiscopale pour siéger à la tête de l’une des plus importantes métropoles chrétiennes. Car, après qu’ils furent chassés de Trèves – ville natale de notre saint -, les empereurs constantiniens s’étaient installés en Arles, devenue, en 395, capitale des Gaules et de l’Empire. De ce fait, l’évêque d’Arles était le primat des Gaules. Plus tard cette fonction sera transférée à Lyon (encore aujourd’hui l’archevêque catholique de Lyon a le titre de primat des Gaules). Ce siège épiscopal était donc très important. C’est ce qui explique les luttes partisanes socio-politico-religieuses qui, hélas, entourèrent souvent l’élection de l’évêque métropolitain d’Arles. L’élection d’Honorat eut lieu par surprise et derrière son dos. Il n’avait même pas été consulté ! Aussi ne voulut-il pas de ce siège épiscopal. De plus, l’abbaye de Lérins n’était pas du tout décidée à laisser partir son Abbé. Hilaire déclara aux Arlésiens, sans y mettre de formes «Qui vous a donné le désir de posséder pour vous cet homme, au détriment de ceux à qui Dieu l’avait accordé en son désert» ? Bien entendu, ce désir provenait de la haute réputation d’Honorat, déjà considéré comme un saint et comme un organisateur de premier ordre. On savait aussi que c’était un homme de paix. Il ne réunit pourtant pas sur son nom l’unanimité des suffrages. Mais l’affaire fit grand bruit. Alerté, le pape, Célestin ler, qui n’avait aucun grief contre Honorat, écrivit en 428 à tous les évêques du sud-est de la Gaule pour leur demander qu’à l’avenir «un prêtre ne soit élu, venant d’une autre Eglise, que dans le cas où aucun clerc de l’Eglise à pourvoir ne serait jugé digne, ce que nous croyons, ne pouvoir se produire. Il faut réprouver le fait de préférer ceux des Eglises étrangères, ne pas faire appel à des étrangers de peur que l’on ne paraisse avoir établi une sorte de nouveau collège d’où seraient tirés les évêques». Or, c’est exactement ce qui allait se produire avec l’abbaye de Lérins, qui deviendra, aux Vème et Vlème siècles, la pépinière des évêques du sud de la Gaule. Honorat ne se rendit pas immédiatement aux Arlésiens. Il lui fallait réfléchir et prier. Et ce n’est qu’après de longs mois de tractations et de supplications qu’il accepta. Il savait que son œuvre de Lérins était solide. Mais il se savait aussi malade et en sursis. Il renonça à finir sa vie dans la paix de son île, et se jeta dans ce guêpier politico-socio-religieux de la métropole d’Arles, car il y aperçut finalement la volonté de Dieu de l’y voir rétablir la concorde et l’amour fraternel. Après avoir dit un adieu, (qu’il savait n’être pas un au revoir) à ses moines, il prit la route d’Arles. Mais Arles lui paraissait tellement redoutable qu’il emmena avec lui deux moines, Jacques d’Assyrie et Hilaire qui, lui, ne supporta pas la ville et s’en retourna promptement à Lérins. Quand Honorat s’assit sur le siège épiscopal d’Arles, il trouva les caisses du trésor pleines de richesses amassées par ses prédécesseurs. Le dernier, Helladius, était pourtant un moine. Honorat n’hésita pas et, nous dit Hilaire, «il exclut tout amas d’injustes richesses, et tout ce qui avait été accumulé sans but fut enfin affecté à des usages légitimes. Ceux qui étaient morts commencèrent à bénéficier de leurs trésors et les donateurs purent enfin éprouver les soulagements qu’ils avaient voulus en faisant leurs offrandes. Il ne réserva, pour l’évêché, que ce qui devait suffire aux nécessités du ministère». Alors la ville commença à respirer, et la concorde revint dans les cœurs. Honorat fit rapidement l’unanimité dans son diocèse. Mais l’effort fut énorme. Le 6 janvier 430, bien que faible, il voulut prêcher dans sa cathédrale. A son retour, il dut s’aliter.
La mort d’Honorat
A cette nouvelle, ses amis du diocèse d’Arles et de l’île de Lérins accoururent à son chevet, Hilaire en tête, qui nous dit «Leur douleur lui était plus pénible que la sienne propre». Et s’adressant à Hilaire lui-même il demanda «Pourquoi pleures-tu ? Est-ce pour cette loi commune à l’espèce humaine Faut-il que mon départ te trouve mal préparé, alors qu’il n’a pas pu me surprendre ?» Lorsqu’il entra en agonie, les corps constitués affluèrent, ainsi que le préfet en exercice et les anciens préfets, selon l’usage de l’époque. Le Saint ne manqua pas une si belle occasion de les chapitrer. Et, toujours grâce à Hilaire, nous possédons l’unique sermon qui ait été conservé d’Honorat : «voyez quelle fragile demeure nous habitons ! Si haut que nous montions, la mort nous en fera descendre. Vivez donc votre vie de telle façon que vous ne redoutiez pas le terme, et ce que nous appelons la mort, attendez-le comme un simple passage». Puis, après les avoir menacés de l’enfer, il rappela ce que fut sa règle monastique. «Il faut que l’esprit reconnaisse sa nature supérieure et livre combat aux vices charnels. Ce n’est qu’à ce prix qu’il conservera l’une et l’autre substance sans tache pour la paix éternelle». Enfin, il lança un suprême avertissement concernant tous les moines de l’avenir : «Que nul parmi vous ne soit prisonnier de l’amour excessif dit monde. Que personne ne s’abandonne aux richesses». Et il répétera avant de s’endormir dans la paix de la mort : «Que nul ne soit l’esclave de l’argent, que nul ne se laisse corrompre par la vaine apparence des biens terrestres. C’est un crime de faire un instrument de perdition de ce qui pourrait vous servir à acheter le salut, et de rendre esclave au moyen de ce qui pourrait vous reconquérir la liberté». Il se mit alors à parler de tous ceux qu’il avait aimés et chargea ses amis de leur faire parvenir un dernier message. Et à la demande du clergé, il désigna son successeur : Hilaire. Mais le moine ne rêvait que de retourner à Lérins, ne souhaitant rien moins que cette charge épiscopale. Honorat reposait maintenant, calme et détendu. Il se laissa envahir par une sorte de sommeil. Croyant qu’il allait mourir, ses amis le secouèrent. Il ouvrit un œil et leur dit malicieusement : «Je m’étonne que, me voyant si bas et sachant combien j’ai été longtemps privé de sommeil, vous ne puissiez seulement me laisser dormir !». Il se moqua d’eux avec tendresse, puis il se tut et entra dans le sommeil de la mort. Hilaire a ce mot étonnant : Alors sa vie s’éteignit presqu’avant sa bonté. La mort d’Honorat, très douce, sans combat, fut accompagnée de phénomènes étranges. A l’instant même où son esprit quittait son corps, au milieu de la nuit, de nombreux arlésiens réveillés furent frappés, par la vision du Saint que recevait une cohorte céleste. Tous se levèrent puis coururent jusqu’à l’évêché. «On aurait dit, note Hilaire, que tout le monde avait été réveillé par un avertissement des anges».
Les obsèques d’Honorat
Accompagné du peuple, le corps fut conduit à la cathédrale. Honorat était revêtu de ses riches habits épiscopaux qu’il n’avait jamais portés de son vivant ! En effet, épris de simplicité et d’humilité, il avait toujours préféré la bure du moine. Après la célébration dans la cathédrale, le corps fut transporté solennellement jusqu’au cimetière extérieur des Alyscamps. Alors une dispute éclata entre les prêtres de Saint-Etienne ( c’est-à-dire la cathédrale ) et les moines de Lérins, chacun revendiquant âprement l’honneur de porter le corps. Avant que ce dernier ne disparaisse dans le sarcophage de pierre taillée, la foule se précipita et lui arracha ses vêtements pour en faire des reliques. Quant aux reliques proprement dites, les ossements, elles eurent une longue histoire. Les moines de Lérins ne reçurent qu’un os. Plus tard, le corps du Saint fut déposé dans la chapelle de Saint-Genès des Alyscamps, puis dans l’église Saint-Honorat dès qu’elle fut construite. Il y demeura presque un millénaire. En 1390, des pillages firent craindre pour les biens d’Arles. L’Abbé de Ganagobie, dans le département actuel des Alpes de Haute Provence, qui en avait la garde, transporta les reliques du Saint chez lui. Mais, à cette époque médiévale, les reliques représentaient un tel trésor qu’il offrit à l’abbaye de Lérins de les récupérer, pensant qu’elles y seraient mieux en sécurité qu’à Ganagobie. Il ne posa qu’une condition, aussitôt acceptée, d’être admis comme moine à Lérins. Lorsque le 20 janvier 1391, les reliques arrivèrent à Lérins, l’abbé, Jean de Tournefort fit ouvrir le reliquaire. Au milieu des ossements un certificat en attestait l’authenticité. L’Abbé fit apporter l’os que possédait son abbaye, lequel, remis à sa place, s’adapta parfaitement. En 1788, les reliques furent distribuées au diocèse de Grasse. Comme on vient de le voir, le corps de St Honorat demeura longtemps en Arles, ce qui contristait beaucoup les moines de Lérins. Mais Fauste de Riez, un autre témoin de la vie d’Honorat, les en consola : «Ne croyons pas avoir quelque chose de moins du fait que la cité d’Arles revendique comme sa propriété les restes de ce corps. Qu’ils détiennent le réceptacle de l’esprit, le Corps, nous, nous conservons l’âme elle-même, en ses effets merveilleux. Qu’ils détiennent les os, nous les mérites. Honorat se souviendra de l’un et de l’autre lieu, mais il se doit à Lérins à un titre spécial. Car, s’il cultiva avec soin Arles, cette vigne du Seigneur, il a cependant planté le premier cette vigne, Lérins».
Les miracles de saint Honorat
Ecoutons le sermon d’Hilaire devenu évêque d’Arles, pour l’anniversaire de la mort de saint Honorat : «Que ta gloire est grande et illustre, Honorat ! Tes mérites n’ont pas eu besoin d’être illustrés par des miracles. Ta vie elle-même pleine de vertus, et exaltée par une admiration renouvelée, a servi en quelque sorte de miracle perpétuel. Nous savons tous, nous qui vivions auprès de toi, que les dons nombreux que Dieu t’a accordés ont tenu lieu de miracles. Mais, pour ta part, tu en faisais bien peu de cas, et tu te réjouissais bien plus de savoir tes mérites et tes vertus consignés par Dieu que de voir les hommes relever tes miracles. Et pourtant, quel plus grand miracle de la vertu peut-il exister que de fuir les miracles et de cacher ses vertus ? Et en vérité, ta prière était, pour ainsi dire, si familière aux oreilles du Christ, que tu as obtenu, je crois, par les supplications si ferventes, de ne pas voir des miracles proclamer ta vertu. La paix a aussi ses martyrs ; car aussi longtemps que tu as habité ton corps, tu as toujours été le témoin (rappelons que martyr vient d’un mot grec signifiant témoin) du Christ… Il n’y eut jamais sur tes lèvres que la paix, la chasteté, la piété, la charité. Il n’y eut jamais dans ton cœur que le Christ.. Ceux qui désiraient Dieu ont trouvé en toi un secours commun à tous». St Honorat avait l’habitude de rapporter à ses moines ses songes. Hilaire écrit à ce propos : «ils n’étaient pas prophétiques, ils n’étaient pas provoqués par quelque inquiétude pour l’avenir, mais ils étaient suscités par les aspirations d’une âme qui ne connaît pas le repos. C’est le martyre, sur lequel portait sans cesse ta méditation, que tu subissais, tandis que le Seigneur prenait plaisir, je crois, à faire naître en toi le désir, et c’était comme une persécution menée contre ta foi. En vérité, personne, je pense, ne peut nier que, pour subir le martyre, c’est l’occasion et non pas le courage qui t’a manqué». St Hilaire attribue sa conversion à St Honorat. Il n’en parle pas comme d’un miracle, et pourtant, nous pourrions y voir un miracle. Honorat, en effet, avait été averti par des amis venant de Trèves et de passage dans son monastère, qu’Hilaire et d’autres jeunes gens vivant encore à Trèves, menaient une vie de débauche. Hilaire était apparenté à Honorat. Dès qu’il entend cela, il ne rejette pas, malgré ses ennuis de santé, la perspective d’un long voyage. Il revient dans sa patrie, afin de sauver Hilaire. Mais, en ces années-là, Hilaire était attaché au monde et rebelle à Dieu. Honorat l’exhorte avec tout son talent à ouvrir son cœur à Dieu. Mais, nous dit Hilaire lui-même, «ses paroles pleines de piété ne pénétraient pas dans mes oreilles … je résistais.. et faisais le serment de ne pas céder». Et cependant, par une vision presque prophétique Honorat lui prédit : «Ce que tu me refuse Dieu me l’accorde». Et Hilaire conclut : «C’est ainsi, oui, c’est ainsi que la prière d’un saint ramène les fugitifs, c’est ainsi qu’elle dompte les obstinés, c’est ainsi qu’elle soumet les rebelles». Fauste de Riez, lui aussi, a bien connu Honorat, en tant que moine à Lérins. Il en fait aussi l’éloge, non point en Arles, mais à Lérins. «En vérité, mes frères très chers, dit-il aux moines de cette abbaye, ils ont été comblés de joie ceux qui ont eu le bonheur de se trouver face à face avec cet homme angélique… Et celui qui se sera efforcé d’être l’héritier de ses mérites ici-bas, aura le bonheur d’être aussi un jour le cohéritier des faveurs qu’il a reçues… Or, alors qu’il s’était élevé au faîte de ses vertus, il n’a jamais pensé qu’il fallait mettre sa confiance en lui seul. Mais il avait pris comme assistant et collègue le bienheureux Caprais, et il s’en remit, pour tout ce quel avait à régler ou à exécuter, à l’examen et à la décision de celui-ci, comme à la plus juste balance du jugement. En sa compagnie, il a introduit dans ce désert la gloire du Christ et, tel Moïse en compagnie d’Aaron, il a établi un camp pour tous ceux qui sont destinés à marcher vers la terre promise… En effet, aussi longtemps que celui-ci, tel Moïse, a élevé ses mains saintes, ici, il a toujours sauvegardé l’invincibilité de son peuple contre Amaleq, c’est-à-dire contre le diable. Aussi, mes très chers frères … gardons surtout l’orthodoxie de la foi ; croyons que le Père et le Fils et le saint Esprit sont un seul Dieu… Gardons l’esprit d’obéissance qu’il conseillait toujours plus particulièrement et avec plus d’empressement, car si un moine ne le possède pas, il est vraiment pauvre et nu. En effet, quand le premier homme eut manqué au devoir d’obéissance, il sut qu’il était nu… Gardons aussi l’humilité, la vraie». Fauste de Riez considère comme des miracles réalisés par Honorat le fait qu’il a, par sa foi, écarté le poison des bêtes venimeuses : l’île de Lérins était alors infestée de serpents. Et, non seulement, affirme Fauste, «il a marché sur l’aspic et le basilic, mais il a restauré chez beaucoup d’hommes l’image, peut-être déjà perdue, du Christ. Tantôt il changeait des bêtes sauvages en hommes, tantôt il changeait des hommes, pour ainsi dire, en anges». Car Honorat a mené un combat spirituel pour tuer les vices qui existent en l’homme. Et Fauste de poursuivre. «Celui dont je dois faire l’éloge mettait en fuite des esprit malins qui se tenaient cachés, non pas dans le corps, mais dans l’esprit et le cœur … Il a ramené à la vie des cadavres qui ne possédaient plus ni esprit, ni âme … S’il n’a pas redonné la vie fragile d’ici-bas, il a fait davantage en montrant le chemin de la vie éternelle. Fauste compare une fois de plus Honorat à Moïse. Car, tel Moïse dans le désert, Honorat sur son île désertique n’avait pas d’eau. Etant un bon sourcier, «il a fait jaillir du rocher aride une source d’eau douce, non seulement au milieu du désert, mais au milieu de la mer». En effet, sans eau, toute vie humaine eût été impossible à Lérins. Au début, les pêcheurs apportaient à Caprais et à Honorat l’eau du continent. Mais comment vivre nombreux sur cette île sans le miracle accordé par Dieu à St Honorat ? L’image de St Honorat que nous conserverons dans nos mémoires, est celle d’un pasteur doux et bienveillant, priant sans cesse pour son troupeau afin qu’aucune des brebis qui lui avaient été confiées par le Seigneur ne se perde ou ne s’égare. Si Honorat était tant aimé par tous ses moines, s’ils lui obéissaient si bien, c’est parce que lui-même savait être tout pour tous. Aussi rare était la discorde dans ce troupeau. Et pourquoi ne pas lui adresser cette belle prière composée par Hilaire ? «Souviens-toi donc, toi qui es l’ami de Dieu, souviens-toi sans cesse de nous, toi qui te trouves si pur auprès de Dieu, chantant le « cantique nouveau » et suivant l’Agneau partout où il va. Toi qui marches à sa suite, toi notre saint protecteur, l’interprète agréé de nos prières et notre solide défenseur, transmets-lui les supplications répandues auprès de ton tombeau par le troupeau de tes disciples. Obtiens que, dans une aspiration commune, nous méritions de respecter tes ordres et tes enseignements».
Marie Borrély (tiré de la revue « Orthodoxes à Marseille » N° 66 et 67)