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LES SEPT CONCILES OECUMENIQUES
Viimati muudetud: 06.03.2015
L’aube du 4ème siècle a été le témoin du plus grand tournant qu’a connu l’Histoire. Ce siècle n’avait que trois ans lorsque l’Empire romain tenta, une dernière fois (en 303 ) et avec une violence jusque là jamais atteinte, d’anéantir la religion chrétienne. Il est vrai que la persécution de Dioclétien (1), après une paix relative de l’Eglise, mais combien significative pour la préparation de la christianisation de tout l’Empire, a profondément affecté la vie de l’Eglise, surtout dans les provinces situées à l’est de la Rome latine et jusqu’à l’Orient hellénisé ; mais il est vrai, aussi, que pour l’Eglise de la Gaule, de l’Ibérie et de la Bretagne cette persécution n’a pas été trop sévère ; en effet elle ne fut que peu ressentie dans ces provinces relativement éloignées de la capitale. Pour des raisons de stratégie politique et surtout pour ce qui était de l’intérêt personnel de Dioclétien, ce dernier abdiqua en 305.
Aussi durant le règne de son successeur Galère (2) et du nouveau César qui l’assista, Maximin, la persécution des chrétiens prit-elle un caractère plus systématique. Maximin, plus fanatique encore que l’empereur lui-même, recourut à de nouvelles méthodes de propagande anti-chrétienne et de dissuasion ; mais, finalement, il dut revenir (en 312) à une tolérance, incomplète certes, mais tellement nécessaire aux chrétiens, après dix années d’une sanglante persécution ; elle avait en fait coûté la vie à des milliers de chrétiens. Presque tous les historiens affirment aujourd’hui que Maximin décida de rétablir la paix religieuse à cause des menaces venant de l’intérieur (la situation politique à Rome étant très préoccupante) puis, et surtout, sous les coups que lui portaient ses deux collègues et rivaux d’Occident : Constantin et Licinius. Ce n’est pas le lieu de raconter par le détail tous les événements qui marquèrent les premières années du 4ème siècle ; ils sont d’ailleurs très complexes. Toujours est-il que le nom de Constantin resta intimement lié au triomphe du christianisme, que son règne a vu s’accomplir la mutation peut-être la plus importante qu’ait connu l’histoire de l’Eglise chrétienne. Constantin est considéré, à juste titre, comme « isapostolos » (égal aux apôtres). En effet, c’est lui qui pensa le premier que, puisque l’empire romain devait, tôt ou tard, devenir un empire chrétien, il fallait au moins l’établir fermement sur la véritable foi. Aussi, soucieux de préserver l’unité de foi de ses sujets, convoqua-t-il un premier concile œcuménique, en 325, à Nicée, une ville toute proche de la future et nouvelle capitale de l’empire romain, Constantinople.
Mais qu’est-ce donc qu’un concile de l’Eglise ? Et pourquoi certains des conciles sont-ils appelés » œcuméniques « ? Disons tout de suite que » un concile est l’organe par lequel Dieu a choisi de guider les évêques ; il est une incarnation de la nature essentielle de l’Eglise « . (3) Cette définition est juste et belle ; je la crois accessible à tous car elle est facile à comprendre. Pour les Grecs anciens, un » organon » était le » moyen » par excellence et ici le » moyen d’action » (organon=ergon). Le mot » concile » se dit d’ailleurs en grec » synodos « . Ce mot signifie » aller ensemble » ou » marcher sur la même voie « . Les évêques, donc, c’est-à-dire ceux qui » veillent » (episkopos) sur la bonne marche de l’Eglise, se réunissent en assemblée, et travaillant dans un même esprit de paix et d’amour, précisent définitivement et d’une manière normative le message christologique de l’Eglise (4). Un concile se réunissait sur l’ordre de l’empereur ; ce dernier renforçait les décrets du concile mais il n’en dictait jamais les termes ; c’était aux évêques d’enseigner la vraie foi ; l’empereur en était le protecteur. Les laïcs (du mot grec » laos » qui veut dire » le peuple « ) avaient le droit d’assister aux conciles et parfois même de prendre une part active (comme l’empereur Constantin 1er et d’autres empereurs de Byzance).
Mais lorsqu’arrivait le moment des proclamations formelles, c’étaient les évêques seuls qui, en vertu de leur charisme d’enseignement, prenaient les décisions finales. Un concile peut être » local » ou » œcuménique « . Il est » local » quand il réunit des membres d’une ou de plusieurs Eglises mais sans prétendre représenté la totalité de l’Eglise chrétienne ; aussi ses décisions peuvent-elles être susceptibles d’erreur. Par contre, les décisions doctrinales d’un concile » œcuménique » ne peuvent être ni revues ni corrigées ; elles sont infaillibles et leur autorité est universelle car elle s’étend sur » toute la terre habitée » (OEkoumène). Il y eut plusieurs conciles mais l’Eglise orthodoxe n’en reconnaît que sept comme » œcuméniques « ; ils furent tous convoqués par des empereurs de Byzance et réunis dans des villes de l’orient méditerranéen.
LE PREMIER CONCILE OECUMENIQUE de l’Eglise chrétienne a été convoqué en 325, à Nicée (5), par l’empereur Constantin qui y assista personnellement ainsi que trois cents évêques environ. C’est justement ce concile qui condamna Arius, proclama que le Fils de Dieu, c’est-à-dire le Christ, est » consubstantiel » au Père ( » homoousios » en grec, de la même essence) ; le Christ est vrai Dieu de vrai Dieu, et non pas inférieur au Père comme le prétendait Arius. Ce concile proclama en outre que le Christ fut engendré et non pas créé ; ceci est dit expressément dans le » Credo « , c’est-à-dire dans la profession de la vraie foi d’un chrétien orthodoxe. Le concile de Nicée s’occupa par ailleurs de l’organisation matérielle de l’Eglise mais la condamnation d’Arius (6) marqua une date mémorable dans l’histoire doctrinale du christianisme. Ce fut un travail gigantesque et souvent passionné ; mais tout avait été conduit avec amour, compréhension et sagesse. Toutefois, les hésitations et la réticence de certains évêques créèrent un climat de malaise au sein même de l’Eglise. C’est pourquoi, durant la période troublée qui s’étend de 325 à 381, il fut décidé de reprendre le travail de Nicée et de développer en particulier le Credo.
Aussi, un nouveau concile œcuménique, le DEUXIEME, fut-il convoqué à Constantinople en 381. C’est durant ses travaux qu’un accent tout particulier fut mis sur l’Esprit Saint, également Dieu au même titre que le Père et le Fils ; l’Esprit Saint » qui procède du Père, qui avec le Père et le Fils est adoré et glorifié « . Mais il a aussi été proclamé qu’en Dieu l’unité absolue (ousia) est inséparable d’une divinité non moins diverse. Ainsi le Père, le Fils et l’Esprit Saint sont trois personnes divines (hypostaseis) » en une seule personne « . Ceci sera d’ailleurs merveilleusement développé par les trois géants de la théologie orthodoxe : les saints Grégoire de Nazianze, Basile le Grand et Grégoire de Nysse.
Un nouveau concile œcuménique, le TROISIEME de ce nom, fut convoqué, cinquante ans à peine après celui de Constantinople, à Ephèse cette fois-là, en 431. Ce concile affirma l’unité hypostatique du Christ, c’est à dire qu’en lui (le Christ) il n’y a aucune distinction entre sa divinité et son humanité, mais une parfaite union du divin et de l’humain ; le Christ seul peut exister en deux natures (ousies) différentes : être Dieu et homme à la fois. C’est durant ce concile qu’il a été proclamé, de façon solennelle, que Marie est la Mère de Dieu : Théotokos. Marie a donné naissance au Verbe (le Logos) de Dieu fait chair ; l’enfant que Marie porta était une personne unique (7) à la fois Dieu et homme (Saint Jean 1,14).
Cependant vingt années étaient à peine écoulées depuis le concile d’Ephèse qu’un QUATRIEME concile fut convoqué à Chalcédoine, une ville toute proche de Constantinople sur l’autre rive du Bosphore, en 451. Ce quatrième concile œcuménique constitue avec le précédent le sommet de la christologie orthodoxe. C’est durant les travaux de ce concile qu’a été proclamé que » le Christ est vrai Dieu et vrai homme ; qu’il se fait connaître sans mélange, sans changement, individuellement et inséparablement de telle sorte que les propriétés de chaque nature (la divine et l’humaine) ne demeurent que plus fermes lorsqu’elles se trouvent unies dans une seule personne » (ou hypostase). (Cf. O. Clément : L’Eglise Orthodoxe). On voit ici clairement que les Pères conciliaires de Chalcédoine ont voulu porter un coup décisif aux partisans de Nestorius (8) (qui durant ce concile, et même avant celui-ci, insistaient fermement sur la distinction entre l’humanité et la divinité du Christ) et aux partisans d’une » seule nature du Christ » (les monophysites).
Cependant, loin d’apporter une conclusion aux problèmes alors débattus, le concile de Chalcédoine s’est trouvé ouvrir une longue crise; elle remplit la fin du 5ème siècle, le 6ème tout entier et se prolonge bien au-delà ; c’est pourquoi un nouveau concile, le CINQUIEME, fut convoqué, à Constantinople, en 553, pour surmonter les séquelles du nestorianisme et du monophysisme et encore pour tenter d’expliquer de façon plus positive comment les deux natures du Christ ne forment qu’une même personne. C’est qu’une fraction notable des Eglises, en Syrie surtout et en Egypte, refusait toujours de reconnaître les décisions du concile de Chalcédoine. Mais la paix de l’Eglise ne dura que cent trente ans à peine.
En 681 les évêques furent appelés à se réunir de nouveau, à Constantinople, pour examiner une nouvelle forme du monophysisme et se prononcer sur elle : l’hérésie des monothélites (du grec: » monothélinis « , une seule volonté) ; ces derniers prétendaient en effet que : » puisqu’en Christ il y a deux natures, en une seule personne, il n’y aurait alors, en lui, qu’une seule volonté » (la divine) ; les monothélites attaquaient ainsi la plénitude de l’humanité du Christ ; ce fut là l’objet principal du SIXIEME concile œcuménique. Il est de l’avis de l’ensemble des théologiens que le sixième concile œcuménique n’apporta qu’une paix tout à fait relative à l’Eglise Chrétienne. Les disputes autour de la personne du Christ durèrent encore longtemps sous une forme ou sous une autre. De nouveaux problèmes ne cessèrent de surgir, tel, par exemple, celui de la vénération des saintes icônes du Christ de la Mère de Dieu et des Saints.
Mais avant d’aborder ce problème disons deux mots sur l’icône et ce qu’elle représente pour un chrétien orthodoxe. L’icône est donc, selon la tradition orthodoxe, » un témoignage sacré de la présence divine « . L’icône n’est pas un tableau de peinture, ou une œuvre d’artiste appartenant à une Ecole bien définie dans l’espace et dans le temps et comme telle ne doit être ni » datée » ni » signée « . Elle n’appartient pas à notre monde éphémère et mortel mais à celui de la Jérusalem céleste. C’est la raison pour laquelle une icône orthodoxe est parfois appelée » acheiropdïète » c’est-à-dire » non faite de la main d’un homme « . Mais les iconoclastes, accusant les orthodoxes d’idolâtrie, cherchaient à interdire, à tout prix, la vénération des icônes, à les briser et à les faire disparaître des églises (iconoclastes : » briseurs des icônes « ). La controverse iconoclaste s’est étendue sur une période de 20 ans souvent marquée par de violentes persécutions. Mais l’orthodoxie triompha, les icônes furent définitivement réintégrées par la pieuse impératrice Théodora (9) en 843, (Fête du Dimanche de l’Orthodoxie).
Le SEPTIEME concile œcuménique, convoqué à Nicée en 787, avait d’ailleurs proclamé haut et ferme que les icônes devaient rester dans les églises pour y être vénérées comme les autres symboles matériels de notre foi.
Voilà donc, en bref, l’histoire des SEPT CONCILES OECUMENIQUES ; les seuls conciles infaillibles et d’autorité universelle que reconnaît notre Eglise. Celle-ci n’a jamais trahi leur précieux enseignement. Elle ne s’est jamais éloignée d’eux. Rappelons à cet effet que l’Eglise Orthodoxe n’a connu ni la Scolastique médiévale de l’Occident ni la Réforme et la Contre-Réforme. Rappelons aussi que l’Orthodoxie ne cherche pas à convaincre. Elle possède la vérité et la grâce de la séduction.
+Nicolas SARAFOGLOU, in SYNAXE N°23, janv-fév-mars 1993
Notes:
(1) Empereur romain de 284 à 305.
(2) Empereur romain de 306 à 311.
(3) in: l’Orthodoxie, Timothy Ware ; Desclée de Brouwer. 1948.
(4) in: L’Eglise Orthodoxe. O. Clément ; Que sais-je ? 1965.
(5) Ville d’Asie Mineure proche de Constantinople.
(6) Arius: Prêtre d’Alexandrie (280-336 ).
(7) en grec: » Monogénis » (Fils unique).
(8) Nestorius : hérésiarque, Patriarche de Constantinople déposé par le concile d’Ephèse en 453
(9) Epouse de l’empereur byzantin Théophilos.