Avaleht/Orthodoxie/Commentaire du Credo – 3
Commentaire du Credo – 3
Viimati muudetud: 06.03.2015
Partie 3
…qui pour nous, les hommes, et pour notre salut, est descendu des cieux et a pris chair du saint Esprit et de la vierge Marie et s’est fait homme. » Le Verbe qui transcende l’univers » (kondakion de Noël) se fait chair dans le sein vierge d’une petite galiléenne fécondé par l’Esprit. Pris d’un coup de folie amoureuse, le Créateur se fait créature. Sans cesser d’être » le Dieu trop haut pour notre entendement » (Idem). Dieu se dépouille de la gloire incréée de sa divinité. » Le Dieu d’avant les siècles » (idem et ikos) se proportionne à nous ; la Roue dentée divine vient embrayer chacune de nos roues dentées humaines pour les mettre en mouvement, pour leur donner la seule vie qui ne soit pas une vie morte. Evénement inouï : Dieu devient sa propre création. » L’ insaisissable, l’inexplicable Seigneur » (Laudes des matines de Noël, 1er et 3è stichères) sort de l’absolu éternel de son être, de sa propre transcendance pour se relativiser en entrant dans le devenir du monde, dans la durée des hommes. L’Eternel entre dans le temps, » le Dieu d’avant les siècles » (kondakion de Noël) se fait mortel et il en mourra atrocement, crucifié comme un malfaiteur aux portes de la Ville ! Saint Paul, dans son épître Aux Philippiens, dit admirablement du Christ : » Lui qui, possédant forme de Dieu, n’a pas regardé comme une prérogative d’être égal à Dieu, mais s’est anéanti en prenant forme d’esclave, en devenant pareil aux hommes. Et quand il a eu figure humaine, il s’est abaissé à obéir jusqu’à mourir et mourir en croix. Aussi Dieu l’a-t-il exalté et lui a-t-il accordé le Nom qui est au-dessus de tout nom, pour qu’au Nom de Jésus tout genou plie, dans les cieux, sur terre et sous terre, et que toute langue avoue que Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2, 6-11). L’événement de Noël précontient toute l’odyssée de Jésus de Nazareth ici-bas et donc toute l’économie de notre salut : les affres du Vendredi saint, la nuit de Pâques et finalement l’ascension pour siéger à la droite du Père afin que vienne à profusion sur l’Eglise la Pentecôte de l’Esprit. » L’icône immuable du Père divin » (vêpres de Noël, 1er stichère du lucernaire) vient parmi nous vivre comme nous tous : Jésus de Nazareth eut besoin de nourriture, de repos et de sommeil. Dans l’ardeur d’un midi palestinien il demanda à boire à une femme de Samarie. Il éprouva le stress, fut accessible aux joies de l’amitié, à la tristesse, à l’indignation. Mais cet incroyable abaissement de la divinité, cette humiliation volontaire, cette descente inouïe de Dieu jusqu’à l’homme, il est descendu des cieux, a pour unique finalité d’élever l’homme jusqu’à Dieu. Dieu s’humanise afin de diviniser l’humanité. C’est très exactement ce que nous appelons le salut pour notre salut. Au moment de l’année où nous célébrons la fête de Noël, les jours viennent de recommencer à croître et petit à petit les nuits vont aller en diminuant. Retenons donc la leçon du soleil. Cette boule gigantesque de feu, dont la température de la zone centrale est estimée à quelque quinze millions de degrés, n’est pas assimilable à un objet porté préalablement à une certaine température et qui se refroidirait. Il n’est pas davantage comparable à un objet recevant de l’énergie extérieure. Il produit lui-même sa propre énergie et cette production provient de sa profondeur. Cette gigantesque sphère de gaz est située approximativement à cent cinquante millions de kilomètres de notre terre. Ce soleil, en raison de sa chaleur extrême plus encore que de sa distance, nous serons éternellement incapables de l’atteindre, mais lui, qui est si loin de nous, il nous atteint très réellement par son rayonnement ultra-violet. Dire que le » Seigneur Jésus Christ… est descendu des cieux… et s’est fait homme « , c’est affirmer que le christianisme est fondamentalement, essentiellement, non point une religion, un ensemble de traditions, un corpus de rites, encore moins une morale sociale, mais un coup de soleil ! La vie chrétienne authentique, telle que les saints consentent à l’expérimenter dans la foi et l’amour, est une exposition au Soleil divin, un emmagasinement en notre humaine nature des rayons ultra?violets divins. Devenir des saints, cela consiste à bronzer en s’exposant aux rayons incréés du » Soleil de justice « , aux rayons divins du » Soleil levant plus brillant que tout soleil » (exapostilaire des matines de Noël), de la » Lumière issue de la Lumière « . Et parce qu’il est pleinement Dieu, l’Enfant qui naît à Noël est aussi pleinement homme. S’il est notre Sauveur, c’est en ce sens très précis que, possédant la plénitude de la divinité, il est le seul homme à pouvoir réaliser la plénitude de l’humanité. En nous révélant qui il est, Dieu nous révèle simultanément qui nous sommes. L’Enfant né à Noël nous révèle que Dieu seul est pleinement humain. En cet Enfant le divin se révèle au sein même de l’humain. Tout le divin de cet Enfant est simultanément humain, de même qu’en lui tout l’humain contient la plénitude de sa divinité. Dans l’Enfant de la nuit de Bethléem il n’y a rien qui soit seulement divin ou seulement humain, mais l’un en l’autre et par l’autre est divino-humain. Les deux natures et divine et humaine s’unissent totalement en cet Enfant sans cependant se confondre. Quand, le Vendredi saint, Pilate reviendra vers les juifs pour leur désigner Jésus en disant : » Ecce homo, voici l’homme « , il ne croira pas si bien dire ! Car, nous chrétiens, nous devons comprendre : » Voici enfin un homme ! » Je veux dire : voici enfin un homme totalement humain parce que de part en part pénétré par le divin. Voici l’Homme par excellence. Voici le seul homme qui ne soit pas plus ou moins homme, plus ou moins intelligent, plus ou moins doué de mémoire, plus ou moins vertueux. Voici un homme qui ne fragmente pas la nature humaine, mais la manifeste pleinement en témoignant par sa divino-humanité que l’homme n’est véritablement homme qu’en Dieu et par Dieu, en étant divinisé, engendré à sa vie divine et incréée. Mais si cela est vrai, si nous y croyons vraiment, nous sommes dans l’obligation de vivre, tout au long de nos journées, de nos semaines, de nos mois, de nos années, le mystère de Noël, le mystère de la divino-humanité, le mystère de l’union sans confusion du divin et de l’humain. Nous devons consentir à expérimenter le mystère de la divinisation, de la pénétration de notre humanité par les énergies divines et divinisantes du saint Esprit qui repose en plénitude sur l’Enfant divino-humain de Bethléem. Nous devons, jour après jour, inlassablement jusqu’à notre dernier souffle, consentir onéreusement mais salutairement à entrer en communion avec le saint Esprit, à nous mêler à l’Esprit déifiant de la Pentecôte, à nous laisser transfigurer en lumière sans déclin, sereine et joyeuse par le Ressuscité. Il s’agit de consentir à expérimenter une existence dont le mode est une manière d’être divine. Le message de Noël est que nous ratons notre destinée si nous nous enfermons dans notre propre nature humaine pécheresse et déchue, animalisée par le péché. Le message de Noël est que le péché est en nous un élément étranger à notre nature véritable, et que l’accès à celle-ci ne nous est possible que si nous acceptons l’introduction en notre nature d’un autre élément étranger, à savoir le don divin, incréé et infini de l’Esprit saint qui repose sur l’Enfant né en la nuit de Noël. Le message de ce petit enfant est que si nous confessons sa filiation divine, nous recevons la Semence de sa divinité, l’Esprit saint dont il est, auprès du Père, le Réceptacle éternel et, ici-bas, le Dispensateur obligé. Le message que nous adresse ce petit enfant est que, si, dans la foi et l’amour, nous ouvrons notre intelligence et notre cœur à la leçon de sa naissance parmi nous, de son inimaginable humiliation, de son inconcevable abaissement, de sa condescendance infinie, alors l’Acte générateur éternel de son Père céleste sur lui s’étend jusqu’à nous et nous naissons à cette vie nouvelle dont l’Enfant de Bethléem devenu un homme d’une trentaine d’années parlera à Nicodème. Si cet enfant naît du saint Esprit et de la vierge Marie et non point de Joseph, ce n’est pas parce que l’union conjugale est un péché. C’est parce que, de toute éternité, cet Enfant a un Père dont il est l’unique-engendré, le » monogenes « . Lors donc que la Parole éternelle du Père devient chair, le Fils ne peut devenir, même charnellement, fils d’un autre père que de Celui dont il dira à Marie de Magdala après sa résurrection : » mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu » (Jn 20, 17). La génération charnelle de Jésus de Nazareth ici-bas, sa naissance à l’existence biologique promise à la mort, ne peut être qu’un prolongement, un contre-coup de la génération éternelle par laquelle Dieu son unique Père et dont il est l’unique Fils, lui communique la plénitude de sa Vie paternelle, c’est-à-dire l’Esprit saint. C’est pourquoi le Credo affirme que le Christ est né et du saint Esprit et de la vierge Marie. En proclamant cela, la sainte Eglise se réfère implicitement au troisième Evangile en lequel nous lisons que l’ange Gabriel annonce à Marie qu’elle sera mère malgré sa virginité en lui disant : » Le saint Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre » (Lc 1, 35). En cet article de notre Credo, nous affirmons que la divinité est venue se mêler avec l’humanité afin que les hommes soient mélangés à l’Esprit saint que, de toute éternité, le Père céleste communique à son Fils bien-aimé en l’engendrant. L’Enfant qui naît à Noël, c’est le Feu divin venu incendier l’humanité pécheresse et déchue, mais conviée aux épousailles divines. Notre pauvre humanité promise au Vendredi saint et à la mort, c’est le fer qui mis dans le feu peut devenir feu lui-même. Nous n’avons été créés que pour devenir feu et Esprit, pour entrer en contact divinisant avec le corps très pur et le Sang très précieux du Ressuscité.
Il a été crucifié… En Palestine, à l’époque où Jésus fut condamné à mort et exécuté, la peine capitale pouvait être infligée de trois manières. Ou bien on était citoyen romain et on avait la tête tranchée par le glaive. Ce sera le cas de l’apôtre Paul. Ou bien on était juif et on était condamné par des juifs : on était lapidé. Ce sera le cas du diacre Etienne. Ou bien on était juif ( ou prisonnier de guerre, ou trublion politique ou esclave ) et la peine capitale était prononcée et exécutée par les Romains : on était crucifié. Ce fut le cas de Jésus. Or, de ces trois formes de la peine capitale, seule la crucifixion, si terrible qu’elle fût, était digne d’un homme dont nous avons la folie de confesser la pleine et entière divinité. En effet, imagine-t-on le Fils coéternel au Père et au saint Esprit ayant la tête séparée du corps ou mise en bouillie ? Seule la crucifixion fut digne de la divino-humanité du Christ. Mais c’était une peine atroce et cruelle. Longue à venir si le supplicié était jeune et vigoureux, s’il n’avait pas été trop maltraité auparavant, la mort était généralement provoquée par une asphyxie progressive terrible, survenant après une tétanisation des muscles causée par une immobilisation prolongée. La poitrine cherchait l’air en vain, le cœur se contractait, le visage se crispait. Des spasmes, des soubresauts, des contorsions déformaient les traits et les lignes du corps. Pour respirer, le supplicié cherchait à relever son corps. Pour cela, il cherchait à prendre appui sur ses pieds déchirés, et si peu qu’il pesât sur ses poignets transpercés, en plein carpe, par les clous, le contact de ces derniers avec les nerfs provoquait de violentes souffrances. Afin de prolonger le supplice, on évitait soigneusement les artères, L’agonie d’un crucifié pouvait durer de longues heures, voire une journée entière, ou même plusieurs jours lorsque le crucifié avait été attaché à la croix au moyen de cordes. Jésus mourut assez rapidement pour qu’on ne lui brisât pas les jambes et pour que Pilate s’en étonnât. En 67 av. J.C., Pompée fit crucifier six mille esclaves sur les voies romaines menant à Rome. Deux mille juifs subirent le même sort après la mort d’Hérode le Grand. Et durant le siège de Jérusalem par Titus, en 70 de notre ère, près de 500 juifs furent mis en croix quotidiennement par les Romains. Le livre du Deutéronome cité par st. Paul en Ga. 3, 13, dit que celui qui est pendu est un objet de malédiction auprès de Dieu (Dt 21, 23). Ce texte permet d’entrevoir le scandale que représenta certainement aux yeux des disciples le spectacle du Messie, du » Fils de David » qui, moins d’une semaine auparavant, le jour que nous appelons désormais des Rameaux, était entré glorieusement dans Jérusalem, mourant comme un réprouvé.
… pour nous … L’Un de la Trinité est devenu l’un des hommes essentiellement pour tout expérimenter de l’humaine condition, pécheresse et déchue, hormis le péché. La mort de Jésus sur la croix signifie qu’il n’est pas un lieu où se déploie l’existence humaine dont on pourrait dire que Dieu est absent. Le chrétien ne peut pas dire à Dieu désormais : Tu ne sais pas de quoi je parle quand, avec Job, je te crie que je suis affolé de souffrance. Certes, Dieu n’a pu faire l’expérience du péché car l’essence du péché est précisément l’absence de Dieu. Mais il a tout connu des séquelles du péché en notre pauvre humanité : lui le seul-sans-péché a pénétré de part en part la tristesse humaine, le stress, la faim et la soif, la fatigue, l’angoisse, l’échec aux yeux des hommes, la souffrance atroce, les affres de la mort et, pour finir, la déréliction du tombeau.
… sous Ponce Pilate … Pontius Pilatus était un militaire romain de l’ordre équestre. Il devint préfet de Judée en l’an 26. Il le resta jusqu’en l’an 36. Ce n’est que plus tard, sous l’empereur Claude, que le gouverneur de Judée devint procurateur, » procurator provinciae Iudaeae « . Il dépendait du légat de Syrie, Vitellius, qui, en 36, envoya Pilate à Rome devant l’empereur Tibère afin de s’expliquer après le massacre des Samaritains qu’il avait orchestré en l’an 36. Heureusement pour Pilate, ce dernier appris la nouvelle de la mort de Tibère alors qu’il était en route vers Rome. Il finit sa vie en exil à Vienne, près de Lyon. Le gouverneur de Judée avait le » ius gladii « , c’est-à-dire le droit de condamner à la peine capitale et le commandement d’une force militaire. Parmi les juifs, Pilate a laissé un très mauvais souvenir. Il avait été nommé préfet de Judée par Séjan, le préfet du prétoire, le bras droit de Tibère, connu pour son antisémitisme. Pilate se défiait des juifs qui l’avaient desservi auprès de Tibère. Il n’avait rien à tirer de Jésus et il comprenait très bien que Jésus ne menaçait pas l’ordre public. Il fut indifférent sur le sort d’un pauvre malheureux qu’il eût pourtant préféré ne pas condamner. Mais, en définitive, il laissa s’épancher la cruauté de la soldatesque, composée de troupes auxiliaires d’origine syrienne ou samaritaine, très hostiles aux juifs.
…a souffert … A Gethsémani, le Pressoir à huile, Jésus expérimente, dans la solitude, les disciples dorment, la tristesse et l’angoisse : l’attente et la prévision de la souffrance sont déjà une souffrance. Jésus est à ce point stressé qu’il ruisselle de sueur et de sang. Un phénomène très rare, rarissime chez l’homme, plus fréquent chez l’animal, se produit en lui, qu’on constate seulement lorsque le sujet est en proie à une peur extrême ou à une extrême détresse. Il s’agit de ce que l’on appelle l’hématidrose, c’est-à-dire au passage de l’hémoglobine dans la sueur. Ne parlons-nous pas de suer sang et eau ? On arrête Jésus et on le conduit chez Anne, l’ancien grand-prêtre, le beau-père de Caïphe, en attendant l’arrivée, il fait encore nuit, des officiels du judaïsme. Là, un assistant soufflète Jésus alors qu’il était strictement défendu, chez les juifs, de frapper un inculpé. Puis on l’emmène chez Pilate où il est condamné à mort. Son supplice commence par une flagellation. Pour Jésus, ce fut la flagellation romaine. Elle était atroce. Pourtant, Pilate avait dit d’abord aux juifs : » Prenez-le vous-mêmes et jugez-le selon votre Tora « . Si Jésus avait subi la flagellation à la juive, il n’eût pas pu subir plus de quarante coups portés par des lanières de cuir. Il eût reçu trente-neuf coups, on craignait d’outrepasser par inadvertance la prescription de la Tora, dévêtu jusqu’à la ceinture, un tiers des coups lui eût été donné sur la poitrine, le reste sur les épaules. St. Paul subira cinq fois ce traitement dur mais supportable. Dans la flagellation à la romaine, le nombre des coups dépendait du bon vouloir du bourreau ou de sa lassitude. Les » flagella « , en lanière de cuir, ainsi que les verges d’ormes étaient réservés aux citoyens romains. On dut appliquer à Jésus les » flagra « , c’est-à-dire des chaînettes de fer terminées par des osselets et des balles de plomb. La peau se déchirait et partait en lambeaux, des morceaux de chair se détachaient. On comprend qu’après un tel traitement, Jésus n’ait pu porter son » patibulum » jusqu’au bout et qu’il soit mort prématurément. On le tourne en dérision en l’attifant en roi. Les soldats s’amusent à lui rendre un pseudo-hommage. On lui enfonce sur la tête une couronne d’épines qui fait jaillir du sang du cuir chevelu. Jeu cruel et abject. Il est ensuite emmené sur le lieu d’exécution. Il doit porter le » patibulum « , c’est-à-dire une traverse de bois qui sera ensuite hissée sur un piquet fiché en terre. Jésus part du prétoire de Pilate et passe par quelques ruelles aboutissant à une large rue, plus tard jalonnée de colonnes, à l’époque de Constantin. Il importait aux Romains de promener ainsi les condamnés dans les lieux les plus fréquentés de la ville, pour servir d’exemple. Jésus arrive à l’une des deux portes du rempart Nord de l’époque, sans doute à la porte d’Ephraïm, à 400 m environ du prétoire et à quelque 80 m du Golgotha, hors les murs de Jérusalem. Une tablette de bois, attachée à son cou ou portée devant lui, indique le motif de sa condamnation : » Jésus, le Nazôréen, roi des juifs « . En s’exprimant ainsi, Pilate injuriait les juifs. Jésus est dépouillé de ses vêtements, entièrement nu, devant tout le monde, devant les saintes femmes, devant sa mère. On lui cloue les poignets sur la traverse de bois, puis l’ensemble est hissé sur le piquet fiché en terre, et les deux pieds sont cloués à leur tour avec un seul clou dans le » calcaneum « . Les clous traversent les avant-bras et non pas les mains qui se seraient déchirées sous le poids du corps. Un croc en bois est placé au milieu du piquet pour soutenir le corps et l’empêcher de s’affaisser. Il n’y a pas de support pour les pieds. Tout est calculé pour faire durer le supplice.
…a été enseveli. Le shabbat de la grande fête juive de la Pâque allait commencer. En un tel moment solennel et sacré, il n’était pas pensable, pour des juifs, de laisser ainsi des corps en croix, moribonds ou morts, tout près des murs de la ville en prière et en liesse. L’ensevelissement est alors rapide, dans un des tombeaux proches du lieu de la crucifixion, sans les soins funèbres qu’il était d’usage de donner en pareille circonstance. Les Romains laissaient d’ordinaire les cadavres des suppliciés sans sépulture et sous bonne garde, leurs corps étant ainsi livrés aux vautours et aux chiens. La famille ne pouvait s’en approcher. Dans le cas de Jésus, Il fallut l’intervention auprès de Pilate d’un personnage influent, un certain Joseph d’Arimathie, » membre du Grand Conseil ( = le sanhédrin ) et fort considéré… qui était disciple de Jésus, mais en secret, par crainte des juifs « . Pilate accorda la faveur d’un ensevelissement. Nicodème vint aussi, apportant un mélange d’aloès et de myrrhe. Il était tard. Il fallait faire vite. Joseph avait acheté le linceul. Il descendit Jésus de la croix, l’enveloppa (dans le linge) et le déposa dans un tombeau qui avait été taillé dans le roc, puis il roula une pierre à l’entrée du tombeau. Le jour du Vendredi saint, à l’office des vêpres, un clerc ou un laïc mime ce passage de l’Evangile tandis que le prêtre le lit. Avant de confier le corps de Jésus au sépulcre on l’avait embaumé rapidement. Chez les juifs, il n’était pas question de transformer le défunt en momie à la manière des Egyptiens. Aucune incision n’était pratiquée dans le corps. On se contentait de le laver avec soin, de le plonger dans les huiles précieuses et de le baigner de parfums, mais ces soins n’empêchaient pas la décomposition. Le cadavre fut donc entouré de bandelettes avec les aromates. Puis, avant le début du shabbat, avec l’apparition des premières étoiles, tout le monde s’en alla.
Et il est ressuscité le troisième jour… Le lendemain du shabbat, c’est-à-dire le jour que nous appelons désormais le dimanche, au petit jour, les saintes femmes » se rendirent au sépulcre avec les aromates qu’elles avaient préparés » afin d’embaumer à la juive le corps de Jésus. Elles rencontrent un ange (deux selon saint Luc). Le tombeau est vide, le linceul gît à terre, le suaire » qui passait sur la tête (n’était pas) affaissé, mais resté enroulé à sa place « . L’ange tient un discours que les femmes vont rapporter aux apôtres. Ceux-ci prennent d’abord cela pour des sornettes, des contes de bonne femme. Ensuite Jésus apparaît aux disciples après être apparu à Marie de Magdala. Il apparaît aussi aux deux disciples cheminant vers Emmaüs. Durant quarante jours, jusqu’à l’Ascension, il apparaîtra aux disciples, mangeant avec eux, se laissant toucher par Thomas. En ressuscitant au matin de Pâques, Jésus ne revient pas à l’état antérieur à sa mort sur la croix. Jésus ressuscité n’est pas comparable à Lazare ressuscité. En effet, Lazare dut mourir une seconde fois et il attend encore qu’à la fin de l’Histoire son corps ressuscite pour de bon ! Le corps du Christ ressuscité, qui passe à travers les murs, n’est pas un fantôme. Les fantômes, ce sont nos pauvres corps corruptibles et animalisés par le péché. Le corps du Christ ressuscité est un corps glorifié, tout pénétré de la lumière incréée et de la gloire divine que son incarnation avait voilées, ne les laissant transparaître que le temps d’un éclair, notamment au moment de la transfiguration sur la montagne. La présence du Ressuscité est désormais une présence changée : c’est bien lui, et pourtant Marie de Magdala, qui, il y a quelques heures à peine, tenait son corps sans vie dans ses bras, commence par le prendre pour le jardinier, n’ayant pas l’idée qu’il puisse être ressuscité et croyant plutôt à un enlèvement.
… conformément aux Ecritures. En Jn 20, 9 saint Jean nous dit qu’au matin de Pâques, Pierre et lui-même » « n’avaient pas encore compris I’Ecriture, selon laquelle (Jésus) devait ressusciter d’entre les morts « . Ils auraient pu croire » sans voir » (à Thomas Jésus dira » heureux ceux qui croient sans voir » Jn 20, 29) sur le seul témoignage de l’Ecriture, mais ce n’est qu’à la lumière de la Résurrection qu’ils pénètrent le sens et la portée de celle-ci. Aux disciples d’Emmaüs, le Christ ressuscité reproche : » 0 cœurs insensés et lents à croire à tout ce qu’ont annoncé les Prophètes… Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Ecritures ce qui le concernait » (Lc 24, 25). Dans les discours de Pierre (Ac 2, 25-34 ; 3, 18-25 ; 4, 11 ; 10, 43) de Paul (Ac 13, 27-41) que nous rapporte le livre des Actes, tout comme dans la première épître de saint Paul aux Corinthiens (1Co 15, 3 sq) l’argumentation à partir de l’Ancien Testament est un élément essentiel du message chrétien primitif. Pour les disciples de Jésus, comme plus tard pour tous les Pères de l’Eglise, le Christ accomplit les Ecritures, c’est-à-dire l’Ancien Testament. » Rien dans l’Ecriture, écrit saint Augustin, qui ne résonne le Christ, si toutefois l’oreille écoute « . Saint Jérôme écrit de son côté : » Ignorer les Ecritures, c’est ignorer le Christ « . Et Origène : » Voici comment tu dois comprendre les Ecritures : comme le corps unique et parfait du Verbe « . C’est saint Jérôme qui formule l’idée avec la concision la plus saisissante : » Tu lis ? (le nouveau comme l’ancien testament) L’Epoux te parle.
Et il est monté aux cieux… Jusqu’ici, depuis Pâques, Jésus disparaissait, semble-t-il (cf. Lc 24, 31). Cette fois, il s’élève sous leurs yeux, en un mouvement qui indiquait bien un transfert en un autre monde. Stupéfaits, ils en restent le nez en l’air. Et voici qu’ils sont avertis (par deux hommes vêtus de blanc, deux anges, Ac 1, 10-11) que cette fois il s’agit d’un départ définitif, et qu’ils ne verront plus Jésus avant son retour, à la fin des temps. Luc note que les disciples rentrèrent à Jérusalem avec une grande joie (Lc 24, 53). Cela est quelque peu surprenant : savoir Jésus aux cieux devait les consoler médiocrement de cette absence nouvelle et définitive. Au premier abord, on ne voit pas ce qui, dans cette séparation, pouvait réjouir les disciples. En réalité les disciples ont cru comprendre que ce départ de Jésus serait de très courte durée et qu’ensuite seraient inaugurés les temps messianiques, les derniers temps, la Parousie. De fait, la Pentecôte s’est produite, mais l’effusion de l’Esprit n’a pas réalisé le Royaume messianique de la manière encore trop humaine qu’attendaient les disciples lorsqu’au jour de l’Ascension ils demandent au Ressuscité : » Est-ce en ce temps que tu vas rétablir le Royaume d’Israël ? » (Ac 1, 6). Nous savons maintenant, nous le savons vraiment depuis que saint Jean a écrit son Apocalypse, c’est le fond du message de ce livre prophétique par lequel s’achève la Bible, nous savons que, dans le temps indéfini de la vie de l’Eglise, entre le premier et le second avènement du Ressuscité, le mode de présence de celui-ci à son Eglise est la présence dans l’absence. C’est dans l’Esprit saint que désormais le Christ nous est présent, dans l’Esprit saint dont il est le dispensateur obligé ici-bas parce que, dans l’intimité de la vie trinitaire, il en est le réceptacle éternel.
…il est assis à la droite de Dieu… Dans toute la Bible, la droite est un symbole de dignité. Dans le premier livre des Rois, la reine-mère, Bethsabée, la veuve de David et mère du nouveau roi Salomon, s’assoit à la droite de celui-ci (1Rois 2, 19). Dans le psaume 110, le Roi-Messie siège à la droite de Dieu : » Oracle du Seigneur à mon Maître : Siège à ma droile » (Ps 110 (109) 1a). En Mt. 26, 64 Jésus affirme sa messianité divine, scandalisant ainsi le Grand-Prêtre, en disant : » Vous verrez le Fils de l’homme siégeant à la droite de la Puissance « . Et, dans le même évangile, le Jugement dernier est décrit par Jésus comme le moment où » le FiIs de l’homme… placera les brebis à sa droite « . » Les brebis » étant » les bénis de mon Père, … les justes » (Mt 25, 33, 34, 37). Dire du Christ que désormais il siège à la droite du Père, c’est affirmer à nouveau sa divinité précédemment exprimée dans le Credo par le mot Seigneur.
… et il reviendra avec gloire juger les vivants et les morts, et son règne n’aura pas de fin. Dans le premier évangile, le Christ nous dit que le Fils de l’homme doit venir dans la gloire de son Père, avec ses anges ; et alors il rendra à chacun selon ses oeuvres. Naguère, dans le » Dies irae « , la liturgie latine des défunts chantait : » Iudex ergo, cum sedebit, quidquid latet apparebit « . » Lors donc que le Juge siégera, tout ce qui est caché apparaîtra « . Lorsque l’évêque orthodoxe ordonne un prêtre, il dépose dans la paume de sa main droite l’Agneau, le Corps eucharistique du Christ en lui disant : » Reçois ce dépôt, tu auras à en rendre compte au jour du Jugement « . Et le dimanche du Carnaval, nous chantons le kondakion suivant qu’il faut proposer à la méditation de tous ceux qui, en notre millénaire finissant, ont un peu trop tendance à évacuer du christianisme tout ce qui, comme disait le philosophe d’Aix Maurice Blondel, » enlève les coussins de dessous le coude des pécheurs » : » Lorsque tu viendras, dans la gloire, sur la terre, ô notre Dieu, la création entière tremblera, un fleuve de feu coulera devant ton tribunal, les livres seront ouverts et les secrets manifestés (même idée que dans le dies irae) ; en ce jour délivre-moi du feu qui ne s’éteint pas et rends-moi digne de me tenir à ta droite (c’est-à-dire d’être sauvé), Juge juste et équitable.
P. André Borrely Recteur de la paroisse St Irénée à Marseille (France) in revue « Orthodoxes à Marseille » N°69