Avaleht/Orthodoxie/Commentaire du Credo – 2
Commentaire du Credo – 2
Viimati muudetud: 06.03.2015
Partie 2
Et en un seul Seigneur… Du Père le Credo affirme qu’il est Dieu. Du Fils il dit ensuite qu’il est Seigneur. Est-ce à dire que le Fils n’est pas Dieu ? Aucunement. Le mot qu’en français nous traduisons par Seigneur est Kyrios. Si peu helléniste qu’ils soient, tous les orthodoxes, et naguère encore tous les catholiques, supplient le Dieu tri-unique en lui disant : Kyrie eleison, ce qui veut dire : Seigneur, aie pitié ( de nous ). Dans la Bible grecque, « Kyrios » rend systématiquement « IHVH », le tétragramme sacré, Iahvé, Adonaï. Lorsqu’en Mt. 22, 43, citant le psaume 110, 1 » Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Siège à ma droite… « . Jésus s’applique à lui-même le titre de Seigneur, laissant ainsi soupçonner sa nature divine. Et l’Eglise primitive utilisera le même psaume pour proclamer la seigneurie, c’est-à-dire la divinité du Christ ressuscité (cf. Ac 2,34 ; Ro 10, 9 ; 1Co 12, 3 ; Col 12, 6). En confessant la seigneurie de Jésus Christ, le Credo de l’Eglise exprime, à la suite de saint Paul, sa conviction qu’en inaugurant par sa mort et sa résurrection le Royaume de Dieu, et en recevant de son Père céleste la souveraineté suprême, le Christ est devenu le Seigneur des Seigneurs, reconnu par l’univers tout entier et infiniment supérieur aux prétendus » Kyrioi » que sont les empereurs. » Possédant forme de Dieu, le Christ Jésus n’a pas regardé comme une prérogative d’être égal à Dieu, mais il s’est anéanti en prenant forme d’esclave, en devenant pareil aux hommes. Et quand il a eu figure humaine, il s’est abaissé à obéir jusqu’à mourir et mourir en croix. Aussi Dieu l’a-t-il exalté et lui a-t-il accordé le Nom qui est au-dessus de tout nom, pour qu’au Nom de Jésus, tout genou plie, dans les cieux, sur terre et sous terre, et que toute langue confesse que Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2, 5-11).
… Jésus … Le français Jésus est une transcription de l’hébreu » Iéshoua « , nom propre signifiant Iahvé est salutaire, lahvé sauve. Avant Jésus de Nazareth, ce nom fut porté par de nombreux Israélites, notamment par le fils de Nun ( Josué ), auxiliaire de Moïse durant la marche au désert (cf Nb. 13, 8 et 16 et 32, 28 ; Ex. 17, 8-16 et 24, 3), et par le grand prêtre Josué (Za 3, 1) et par le Siracide (Si. 50, 27. cf. également 2Chr 31, 15 ; 1Chr. 24, 11 et Esdr, 3, 9). Dans le Nouveau Testament, ce nom est également porté par Jésus Barabbas, tout au moins selon de bons manuscrits qui désignent ainsi le brigand dont il est question en Mc. 15, 7 et Lc. 23, 18-19. Mais ces manuscrits n’ont pas été suivis, très certainement par respect pour le Christ. Dans l’épître aux Colossiens, il est question d’un Jésus surnommé Justus, collaborateur de st Paul (Col 4,11). Dans le christianisme seuls les Espagnols ont osé donner ce nom à des catéchumènes. Mais, quand les Corses ou les Grecs appellent un homme Sauveur, ils lui donnent un nom qui a le même sens que Jésus. Dans le récit du songe de Joseph en Mt. 1, 21 l’auteur du premier Evangile se réfère à l’étymologie du nom Jésus lorsqu’il fait dire à l’ange : » … Elle enfantera un fils et tu lui donneras le nom de Jésus, car il sauvera ( autos gar sossei ) son peuple de leurs péchés « . Jésus est annoncé à Joseph comme le Sauveur, non point des oppresseurs étrangers, mais de ses péchés.
… Christ… Avant de devenir, dans le christianisme, un nom propre, ce mot a désigné une fonction. C’est la transcription du mot grec » Christos « , lui-même traduction du mot hébreu » mashiah « , devenu en français » messie « . En grec, » Christos » signifie : oint, enduit, graissé, qui a reçu l’onction d’huile sainte. Cet adjectif, car c’est un adjectif avant d’être un substantif, vient du verbe » chriô » qui signifie : oindre, notamment pour consacrer. Dans l’Ancien Testament, les rois d’Israël étaient consacrés par une onction d’huile sainte signifiant que leur fonction royale faisait d’eux les lieutenants de Iahvé en Israël. Après l’exil, la royauté ayant disparu, on se mit à oindre le Grand Prêtre qui était devenu le chef de la communauté israélite. Jésus fut baptisé par Jean dans le Jourdain, mais il ne reçut aucune onction d’huile. Et pourtant, les chrétiens le considèrent comme l’Oint par excellence. C’est que Jésus Christ est essentiellement celui sur lequel, de toute éternité, avant tous les siècles, repose la plénitude du saint Esprit qui procède du Père. Dans la synagogue de Nazareth, Jésus lit le texte d’Is. 6 1, 1 sq, : » L’Esprit du Seigneur est sur moi… » Or, il a la prétention, absolument exorbitante pour ses auditeurs, de s’appliquer le texte à lui-même. A la fin, » tous dans la synagogue furent remplis de colère, et s’étant levés ils le poussèrent hors de la ville et le conduisirent jusqu’au sommet de la colline sur laquelle leur ville était bâtie, pour le précipiter » (Lc 4, 28-29). Cette fois-là, Jésus échappa à la mort. Mais nous savons que l’Acte 5 de la tragédie sera le Vendredi saint. Or, si Jésus fut mis à mort, ce ne fut pas parce qu’il prétendit être le Messie attendu depuis si longtemps et avec quelle impatience par Israël, mais essentiellement parce qu’il prétendit être le Messie d’une manière totalement inattendue pour les Juifs. Jésus est mort d’avoir osé s’affirmer comme Messie oint par le Père d’une manière telle qu’elle faisait de lui le Réceptacle éternel de l’Esprit, et, en conséquence, son Dispensateur unique et incontournable ici-bas, parmi les hommes.
… le Fils de Dieu, son unique-engendré, né du Père avant tous les siècles. On se contente, dans toutes nos traductions en français, de rendre le mot grec » monogénès « , par : » Fils unique « . Le grec est beaucoup plus précis : il s’agit du Fils unique engendré. Ce n’est pas un pléonasme. En effet, si un couple adopte un enfant, ce dernier sera légalement, juridiquement et surtout affectivement fils mais non pas engendré : si vous adoptez un asiatique ou un africain, tout le monde le considèrera comme votre fils, vous-même l’aimerez autant que vos autres enfants, si vous en avez déjà, mais il sautera aux yeux de tout le monde que cet enfant n’est pas biologiquement votre fils ! Le Credo de l’Eglise affirme que de toute éternité Dieu est Père d’un Fils qu’il engendre en lui communiquant toute sa Puissance vitale de Père, c’est-à-dire l’Esprit saint dont il sera question dans la troisième partie, et que, lorsque ce Fils coéternel à lui est devenu l’un des hommes, il fut encore son unique Père au plan de la génération biologique humaine : Jésus de Nazareth est le fils biologique de la vierge Marie, mais il n’est pas le fils engendré de Joseph, il n’en est que son fils adoptif . L’homme Jésus étant la même personne que le Fils coéternel au Père, il n’a pu avoir qu’un Père ici-bas, celui qui est dans les cieux. Dans les Evangiles, Jésus nous demande de nous adresser à Dieu en lui disant : » Notre Père « . Il dit : » Mon Père » Mais il ne dit jamais » Notre Père » en se comptant lui-même avec ses disciples. Après sa résurrection, il dit à Marie de Magdala en Jn. 20, 17 : » … va trouver mes frères et dis-leur : je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu « . Et d’ailleurs, tout au long des quatre Evangiles nous voyons bien que le regard que les disciples avaient sur la personnalité si mystérieuse de Jésus, les laissait pénétrés de crainte et de respect. Certes, ils avaient auprès de lui chaud au cœur, d’une manière que ni un ami, ni une femme, ni leurs parents, ni leurs vignes ni leurs figuiers ne leur avaient jamais laissé pressentir. Mais ce n’était pas de la camaraderie. Ils avaient besoin de lui, un besoin de toute l’âme ; il parlait très fortement à tout ce que leur être fruste avait de meilleur, de cet Autre obscur qu’attend secrètement tout homme. Mais lui n’avait nul besoin d’eux. Il y avait un plan de son être où ils ne pénétraient pas. Du côté de la terre, il était seul, mystérieusement seul. Mais il ne l’était pas du côté de Dieu, du côté de celui qu’il appelait, avec un accent étrange et qui n’était qu’à lui, son Père.
Lumière issue de la Lumière, Dieu véritable issu du Dieu véritable… En Jn 8, 12, Jésus affirme : » Moi je suis la Lumière du monde « . A l’office des vêpres, l’Eglise chante : » Lumière joyeuse de la sainte gloire du Père immortel, céleste, saint et bienheureux, ô Jésus Christ ! » Jésus Christ est la Lumière du monde, c’est-à-dire des hommes, en ce sens très précis qu’il est le Révélateur du Père et le Dispensateur de l’Esprit que, de toute éternité, il reçoit de son Père. En créant le monde et les hommes, le Père céleste a répandu dans sa création comme dans le cœur de tout homme, la Lumière et la Vie dont le Père comble de toute éternité son Fils en lui faisant le don de son saint Esprit. Le Fils est le Modèle divin dont le Père reproduit quelques traits, quelques pâles reflets en chaque réalité qu’il crée. Le Père des lumières répand la splendeur infinie de son être en son Fils, et de son Fils, par le prisme de l’acte créateur, il fait sortir des êtres qui tous participent de quelque manière à la lumière, à la beauté, à la gloire de l’Etre unique, mais ne peuvent en être qu’un aspect fini, limité. Toute réalité créée est le reflet du Fils unique-engendré. Toute réalité créée est l’image du Père, un fragment de l’icône du Père qu’est le Fils unique-engendré. Toute réalité créée, le corps d’une femme, la musique de Mozart, les montagnes de Corse dans le soleil de juillet, répand quelque chose de la Lumière véritable qu’est le Père réverbérée en son Fils. Et, en ce qui nous concerne nous, les êtres humains, tout notre être personnel n’a de signification que pour être plongé, un jour, totalement dans la Vie divine qui est lumière, pour être immergé dans la Vie divine qu’est l’Esprit saint et qui jaillit de la génération du Fils unique-engendré par le Père. » La Vie était Lumière des hommes, dit le Prologue du quatrième Evangile. Et la Lumière dans les ténèbres brille » (Jn 1, 4-5).
… engendré, non créé… C’est à cause de l’hérésie d’Arius que l’Eglise a été amenée à formuler sa foi en Christ en opérant cette distinction fondamentale entre engendré et créé. Originaire de Libye, Arius ( 256-336 ) reçut sa formation théologique à Antioche. D’Antioche, il se rendit à Alexandrie où il fut ordonné diacre puis prêtre. A partir de l’an 318 environ, il se mit à provoquer de nombreuses discussions, en raison d’une doctrine théologique individuelle qu’il proposait dans ses homélies comme la foi de l’Eglise. A la base de la théologie d’Arius se trouve un postulat qui, dès le départ, l’empêchait de saisir la véritable relation unissant Dieu le Père et Dieu le Fils. Ce postulat était que la divinité devait non seulement être incréée, mais aussi » agennètos « , inengendrée. Il s’ensuivait que le Fils ne peut être vraiment Dieu. Il n’est que la première des créatures de Dieu et, comme elles toutes, il fut tiré du néant, et non point de la substance même du Père. Aussi diffère-t-il essentiellement de lui. Il y eut un temps, selon Arius, où le Fils n’existait pas. Il est le Fils de Dieu au sens moral du terme, mais non pas au sens métaphysique. C’est improprement qu’on lui décerne le titre de Dieu, car l’unique Dieu véritable, le Père, l’a adopté comme fils. De cette filiation par adoption ne résulte aucune participation effective à la divinité du Père, aucune véritable ressemblance avec celle-ci. Le Fils occupe une place intermédiaire entre le monde et Dieu le Père qui l’a créé pour en faire l’instrument de sa création. Le saint Esprit est encore moins divin que le Fils. Le Fils est devenu Jésus de Nazareth en ce sens qu’il a rempli en Jésus la fonction de l’âme. Mais si Jésus de Nazareth n’est pas Dieu, c’est tout l’édifice chrétien qui s’effondre comme un château de cartes. Car enfin, toute la nouveauté du christianisme par rapport à toutes les autres religions, consiste à affirmer que l’humanité a été atteinte et de part en part pénétrée par la divinité, qu’elle a été divinisée. Si ce n’est pas Dieu lui-même qui, en la personne du Fils, est devenu l’un des hommes, l’homme n’a aucune possibilité de devenir ce que Dieu est, d’être divinisé, d’être introduit dans l’intimité même de la vie divine. L’homme ne peut être atteint et rejoint par Dieu autrement que par Dieu le Fils devenu l’un des hommes. L’homme étant un corps est rejoint corporellement par Dieu. L’humanité est divinisée par le seul fait que Dieu le Fils est entré en elle. Dans le corps humain de Jésus de Nazareth habite toute la plénitude de la divinité du Père. Et si tout homme est sauvé, c’est en ce sens que Dieu le Fils étant réellement devenu corporellement l’un des hommes, tout homme a pour destinée, toute humaine existence a pour sens ultime de pénétrer dans l’intimité de l’Acte générateur éternel par lequel Dieu le Père communique à Dieu le Fils la plénitude de sa Vie divine de Père, à savoir Dieu le saint Esprit.
… consubstantiel au Père… La plupart du temps, à l’heure actuelle, les chrétiens traduisent très mal ce passage du Credo en disant, au lieu de consubstantiel au Père : de même nature que le Père. En effet, les milliards d’hommes et de femmes que nous sommes fragmentent la nature humaine. Chacun de nous a plus ou moins de mémoire, d’intelligence, de santé, de vertu. Nous sommes plus ou moins des hommes, aucun de nous ne possède la plénitude de l’humanité. Seul Jésus de Nazareth a possédé cette plénitude. Seul Jésus de Nazareth a été un homme en plénitude parce qu’il était pleinement Dieu. En Jésus de Nazareth nous a été révélé que Dieu seul est pleinement humain. Jésus de Nazareth fut plus pleinement, plus complètement humain que ne l’avait cru Arius. Mais dire que l’Un de la Trinité devenu l’un des hommes était pleinement, totalement Dieu tout en étant pleinement homme, et plus généralement dire que Dieu est simultanément trois personnes et un Dieu unique, c’est dire que chacune des trois divines personnes est si totalement, si complètement, si pleinement Dieu que toutes trois réunies ne constituent pas trois dieux mais un Dieu unique : chacune des trois personnes divines possède toute la nature divine.
par l’entremise de qui tout a été fait. Le Credo cite ici le Prologue de l’Evangile selon saint Jean qui, en son troisième verset, affirme au sujet du Fils : » Tout fut fait par son entremise, et sans lui rien n’a été fait de ce qui fut fait. Dieu le Père tout-puissant a créé le ciel et la terre, toutes les réalités aussi bien visibles qu’invisibles « , par la médiation de son Fils. Le Fils est, de toute éternité, le Miroir du Père ( l’image du Dieu invisible Col 1, 15), c’est pourquoi il en a été, ici-bas, l’unique Révélateur. Il est donc, comme la représentation devant le Père de toutes les possibilités infinies de réalités que le Père est en mesure de créer. Et en créant ces réalités, Dieu le Père contemple le Modèle de toutes choses en son Fils unique-engendré. Son unique-engendré est, nous dit saint Paul dans son épître aux Colossiens, » le Premier-né de toute la création » (Col 1, 15). L’expression paulinienne n’est pas sans équivoque. En effet, faut-il comprendre que le Fils est le premier-né de toute créature, ce que dirait volontiers Arius, ou bien qu’il est le premier-né, le premier-engendré du Père avant toute créature ? St. Paul n’est pas encore arrivé, ici, à la plénitude de clarté dans l’expression du mystère divin. Au contraire, saint Jean, dans son Prologue, a atteint cette plénitude. Le Fils est Dieu, il est le Miroir du Père, le resplendissement de la gloire divine du Père, la splendeur de sa substance. L’admirable anaphore de saint Basile le Grand s’adresse au Père au sujet de son Fils en lui disant : » Il est l’icône de ta bonté, le Sceau qui te reproduit fidèlement. En lui-même il montre que tu es son Père. Il est la Parole vivante, Dieu véritable, la Sagesse d’avant les siècles, la Vie, la sanctification, la puissance, la Lumière véritable « . Et un peu plus loin la même anaphore dit encore au Père au sujet de son Fils : » Lorsque vint la plénitude des temps, c’est par ton propre Fils que tu nous as parlé, par l’entremise de qui tu as créé les siècles (c’est-à-dire le monde). Lui qui, étant resplendissement de ta gloire, et empreinte de ta réalité personnelle, lui qui porte l’univers par la puissance de sa Parole, il n’a pas estimé comme une prérogative d’être ton égal, ô Dieu son Père « . De toute éternité, Dieu le Père engendre son Fils unique comme le Miroir, la représentation de tout ce qui peut exister, de toutes les créatures possibles que Dieu a le dessein providentiel de créer. Dieu le Père pense son Fils, et en pensant son Fils, il pense toutes les créatures qu’il va amener à l’existence avec la Puissance de vie dont, de toute éternité, il comble son Fils et qui est son saint Esprit. De toute éternité, le Fils est en Dieu le Réceptacle de la Vie du Père. C’est pourquoi, ce serait une grave erreur de croire que les réalités cosmiques, la splendeur du monde créé, et donc la physico-chimie mathématique et la biologie, ainsi que l’astronomie, la matière se situent en dehors de Dieu, comme si Dieu s’était contenté de les créer pour les abandonner ensuite à elles-mêmes et les condamner à exister sans relation vivante et étroite avec lui. En réalité, le Credo affirme, et déjà saint Jean en son Prologue, que toutes les merveilleuses découvertes de nos savants modernes et contemporains sur le cosmos, sur la terre, sur les étoiles, sur les atomes, sur l’univers prodigieux de la cellule vivante, que tout cela est l’œuvre du Fils consubstantiel et coéternel au Père. Par conséquent, lorsque nous communions au Corps et au sang du Fils ressuscité, nous communions à Celui qui a créé le ciel et la terre, qui ne cesse de les créer, de les maintenir dans l’être. Nous devons adopter sur le mystère de notre foi un point de perspective cosmique. Le Fils est le Prisme de la Lumière divine et incréée du Père, qui dans l’acte créateur se polarise en un nombre apparemment infini de créatures. Par elle-même, la lumière est blanche, mais à travers un prisme elle se décompose dans toutes les couleurs de l’arc-en-ciel : le rouge, le vert, etc… C’est un peu ainsi, mutatis mutandis, que le Fils est celui par l’entremise de qui tout a été fait. Le Fils est infiniment au-dessus des anges, infiniment au-dessus des saints, infiniment au-dessus de tout être créé parce que, » à l’origine était la Parole, et la Parole était auprès de Dieu, et la Parole était Dieu. Elle-même était à l’origine près de Dieu. Tout fut fait par son entremise et sans elle rien n’a été fait de ce qui fut fait (Jn 1, 1-3). Le Père est bien le créateur du ciel et de la terre, de toutes les réalités visibles aussi bien qu’invisibles, mais il ne l’est pas autrement que par l’entremise co-créatrice de son Fils unique-engendré. Dieu crée en prononçant son Fils. En tant que nous sommes des créatures du Père tout-puissant, nous sommes marqué du sceau de son Fils. Et donc, tout ce qui survient en chacune de nos pauvres vies, toutes les épreuves que nous expérimentons, toutes les souffrances, parfois atroces, que nous éprouvons, toutes les vicissitudes de chacune de nos existences tourmentées, tout est, mystérieusement mais très effectivement, en relation intime avec l’Acte générateur éternel par lequel le Père communique à son Fils la plénitude de Vie qu’est son Souffle paternel, son très saint, bon et vivifiant Esprit. Si tout est advenu à l’existence par l’entremise co-créatrice du Fils, cela signifie que tout ce qui nous advient, même la souffrance, même la maladie, même la mort inéluctable, est directement ordonné à notre entrée dans l’Acte générateur et divinisant du Père sur son Fils. A nous de prendre conscience de notre grandeur infinie et de notre infinie dignité du fait que nous sommes sortis des Mains du Père par son Fils. » Agnosce, o christiane, dignitatem tuam « , nous dit le pape saint Léon le Grand (Reconnais, ô chrétien, ta dignité. Saint Léon le Grand. Premier sermon en la Nativité du Seigneur. ln Sermons. t.1 Coll. Sources chrétiennes, n°22bis. Ed. du Cerf. 1964. 2ème édition. p. 72). A nous de méditer avec toute notre foi et tout notre amour sur la toute-puissance du Fils en nous comme créateur et rédempteur, c’est-à-dire libérateur et divinisateur. A nous de nous soumettre totalement à son action divinisatrice pour que nous vivions jour après jour dans l’attente de sa gloire. A nous de voir le cours du monde et l’odyssée de chacune de nos existences conduits par le Père selon l’ordre de son Fils.
P. André Borrely Recteur de la paroisse St Irénée, Marseille (France) in revue « Orthodoxes à Marseille » N° 68