MESSAGE DE NOEL 2015
En entonnant les laudes des matines de ce jour nous proclamons : « Justes, réjouissez- vous, cieux tressaillez d’allégresse, bondissez montagnes, car le Christ est né… ».
Joie et allégresse parce qu’en cette nuit de la naissance du Christ, devant la grandeur de la simplicité et de la présence divine qui embrase la grotte, nos consciences se mettent à l’écoute de la voix de Dieu. Elle s’adresse aux hommes ; elle se réconcilie avec eux ; elle les comble d’amour, de lumière, de joie et de paix.
Peu importe si dehors il y a du gel, du malheur et de la misère. Durant cette nuit unique des millions d’êtres humains mettent toutes leurs affaires de ce monde en veilleuse ; ils redeviennent semblables à ces petits enfants, dont les âmes s’apaisent chaque fois qu’elles se laissent charmer par la douceur des hymnes angéliques et la chaleur qui les réconforte et les fortifie au cours de la célébration de la Divine Liturgie. Telle est la force qui se dégage du divin Enfant de Bethléem.
Pourtant, au plus profond de nos consciences, surgit une question très grave : peut-on vraiment goûter cette joie de Dieu en oubliant la souffrance de l’humanité sous toutes ses formes ? Comment annoncer la joie de Dieu qui vient sauver les hommes sans être attentif à partager avec eux tout ce qui accable aujourd’hui nos sociétés ?
La réponse nous vient de l’évangéliste Luc. Un ange apparaît aux bergers pour leur annoncer la bonne nouvelle de la naissance de Jésus. « Il vous est né un Sauveur, leur dit-il, qui est le Christ, le Seigneur (Luc 2,11) ». Pour Le reconnaître, il leur donne un signe méconnaissable à notre entendement : « un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire à bestiaux» (Luc 2,12).
Sitôt dit, sitôt fait. Les bergers ne se contentent pas d’enregistrer la bonne nouvelle. Ils s’engagent tout-de-suite sur le sentier que leur désigne le signe jusqu’à la grotte. C’est précisément cet élan qui nous manque la plupart du temps. Sans doute par manque de foi et d’amour. Surtout parce que nous avons tendance à nous traîner dans nos malheurs, à nous arrêter sur ce qui nous accable, à nous complaire dans nos replis sur nous-mêmes au lieu de nous empresser d’aller voir le signe de cette grande joie qui nous est donnée d’en-haut : un nouveau-né qui s’offre à nous, couché dans une mangeoire à bestiaux !…
« Celui que nul espace ne contient, comment peut-il être contenu dans le sein » d’une Mère qui le tient maintenant dans ses bras ? « Lui seul le sait, chantons-nous aux matines de ce jour, Il l’a voulu, tel a été son bon plaisir. Lui qui est l’Incorporel, Il s’est incarné librement… » (cathisme des matines de la Nativité).
C’est cela notre espérance, c’est cela notre certitude que, grâce à cet abaissement de notre Dieu fait homme, tout peut être sauvé ; c’est cela aussi notre certitude que la joie est annoncée pour le monde entier, pour chacun de nous et pour tous ceux qui nous entourent, chrétiens ou non chrétiens, croyants ou non croyants.
Il faut beaucoup d’audace pour porter dans le cœur du monde d’aujourd’hui l’espérance de l’annonce que notre Sauveur est parmi nous et qu’Il nous sauve. Il faut beaucoup d’audace pour affirmer avec toute la force de notre foi, malgré les illusions mensongères et les chimères que génèrent nos sociétés, que Dieu est là dans cet enfant ; que notre existence de croyants, présente et éternelle, dépend de cette annonce : « aujourd’hui, un Sauveur est né ; c’est cet enfant, et il est Dieu ». Ici commence, dans une mangeoire, une aventure auprès de laquelle toute autre aventure s’efface : quelqu’un est venu parmi nous, qui est humainement Dieu et divinement homme. Quel incroyable amour de sa part pour avoir voulu cela ?
Nous savons bien que la foi chrétienne n’est pas chose facile. Il suffit d’écouter ceux qui abandonnent, il suffit de nous rapporter à notre propre médiocrité. Sans aucun doute, il faut avoir l’audace de l’espérance pour progresser vers tout le mystère de Jésus, pour ne pas rétrécir nos horizons, excluant les uns et oubliant les autres. Et aussi pour démolir les refus que nous avons durcis en nous à cause de nos hésitations et de nos objections de toutes sortes.
Cher Frère, chère Sœur dans le Seigneur,
Tu veux témoigner que Jésus-Christ est l’espoir et le salut des hommes ? Dis-moi d’abord comment toi tu vis cette espérance ?
Tu veux témoigner que Jésus-Christ apporte l’amour ? Dis-moi d’abord comment toi tu es fraternel ?
Tu veux enfin que tous vivent en vérité cette grande joie annoncée et donnée à toute la création alors que si peu d’humains l’entendent et la reçoivent et que notre univers plonge de plus en plus dans la détresse , le désespoir et les épreuves d’où qu’elles surgissent ? Dans ce cas, dis-moi d’abord comment toi le premier tu rayonnes la joie d’être sauvé pour que les autres puissent enfin reconnaître que Jésus est le Sauveur qui leur donne la joie ? Amen !
+STEPHANOS, Métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie.