ORDINATION SACERDOTALE DU DIACRE HERODION
Viimati muudetud: 07.03.2015
Mon très cher Herodion,
Le lendemain de la Sainte Pentecôte, notre Eglise honore tout particulièrement la troisième personne de la Sainte Trinité qui est le Saint Esprit, le Consolateur, le Dispensateur de tout bien. Quelle bénédiction pour toi en ce jour, qui t’apprêtes à être élevé au rang de la prêtrise. Une bénédiction toute particulière non seulement pour toi mais aussi pour toute ta famille.
Désormais ta première tâche, la plus essentielle, ce sera la distribution de la grâce de Dieu au peuple à travers les sacrements et tout spécialement au cours de la Divine Liturgie, célébrée au même moment aussi bien sur la terre, par le clergé et le peuple, comme un événement dans le temps à travers l’offrande du pain et du vin qu’au ciel par le Christ lui-même, l’unique Grand-Prêtre, qui à la fois offre et est offert à travers son propre sacrifice, offrande accomplie une fois pour toute sur la Croix.
Ainsi, à chaque Divine Liturgie que tu célèbreras, tu feras l’expérience que l’« Eglise est un ciel terrestre, dans lequel le Dieu céleste vit et se meut » (in St Germain de Constantinople : Commentaire sur la Divine Liturgie) ; que Dieu est là, parmi nous les hommes ; que le Christ est notre Pâque continuelle ; qu’Il nous transfère sans cesse, d’une manière toujours plus sensible, du plan de la vie terrestre sur le plan de la vie déifiée ; qu’Il fait cela principalement par l’eucharistie ; que nulle part sur la terre il n’existe une telle autre splendeur, reflet de la vraie et unique Beauté qui est le Christ, et dont tu seras jusqu’à la fin des temps, le gardien, le garant et le prédicateur.
N’oublie pas que dans ta vie de prêtre, tout repose sur la prière. Qu’elle devienne ta respiration ; que l’invocation du Seigneur ne fasse plus qu’un avec ton propre souffle vital. Une icône orthodoxe montre le Christ au paradis insufflant dans les narines d’Adam une haleine de vie pour qu’il devienne un être vivant (Gen. 2,7). Efforces-toi de toujours respirer cette haleine du Christ, sans craindre les difficultés, les tentations, les obscurités qui ne se priveront pas de tendre leurs pièges sur ton chemin.
Les démons de toutes sortes sont féroces, nous le savons bien mais combien faible est leur puissance, cela nous le savons aussi. Ne les crains pas ; au contraire, je te le répète, respire toujours le Christ, crois en lui, reviens à la réalité de ce que qui se trouve au centre de tout homme, « ton cœur » spirituel.
Le cœur est le lieu par excellence du combat entre les ténèbres et la lumière, de la mort et de la résurrection. C’est lui qui t’indiquera la voie pour accueillir la vraie vie, la réalité vraie qui est le Christ (Col 2,17) ; c’est lui qui t’enseignera à lire, à travers Jésus ressuscité, les petits et les grands évènements de la vie, à déchiffrer le monde qui nous entoure et son histoire.
A partir du moment où l’Esprit Saint sera descendu sur toi pour te consacrer prêtre, la liturgie deviendra, quoi qu’il en soit, le pôle de ta vie et la prière, qui l’intériorise et la prolonge, te donnera la force de ne pas succomber au découragement, à l’amertume.
La liturgie et la prière te permettront de poser des gestes et de dire une parole qui suggèreront le sens de chaque chose sur cette terre et ainsi elles t’introduiront dans une autre dimension de l’existence, celle du Royaume qui vient. Elles te seront aussi d’un grand secours dans ton travail pastoral pour éveiller les consciences, exorciser dans le plus intérieur des hommes leurs tendances destructives et approfondir avec eux les germes de la vraie vie. C’est sans doute ainsi qu’intervient, d’une part la beauté de la liturgie et, d’autre part, la force de la prière.
Il y a un grand besoin d’Evangile dans nos sociétés. Non pas comme précis de vérités opposées, mais bien plus comme langue exprimant, ainsi que nous le décrit la parabole du fils prodigue, l’amour du père pour son enfant, qui disperse tout son bien et qui reste sans rien. Pour cette raison, être prêtre ce n’est pas appartenir à une oligarchie privilégiée mais c’est devenir, par l’exemple et par la vie, le vrai serviteur du Christ, au-dessous plutôt qu’au-dessus des autres.
Si tu veux trouver des amis, alors cherche-les parmi « les pauvres ». Dans l’Ancien Testament, « être sans ami » s’apparente à « être en dehors de Dieu ». Etre ami des pauvres, ce n’est pas avant tout un problème politique ou social. C’est principalement un problème spirituel, c’est une réalité existentielle, c’est finalement un problème d’espérance. Le désespoir des pauvres est toujours âpre et aigu mais tu es là pour leur dire qu’il existe surtout une espérance des pauvres puisqu’en Christ nous sommes un seul Adam recréé par la victoire sur la Résurrection ; un seul corps ouvertement, secrètement ecclésial, pour restaurer la création abîmée, pour rassasier l’homme contemporain de sa faim non seulement de pain mais plus encore de sens et de dignité.
Mon très cher Herodion,
Le grand mystère de l’Eglise, Corps du Christ, c’est qu’Elle n’est séparée de personne, qu’Elle englobe toute l’humanité, qu’Elle arrache toute l’humanité à sa chute dans la mort et l’enfer. Aussi, l’unique conclusion qui s’impose en ce jour de la fête du Saint Esprit et qui vaut pour tous les hommes, chrétiens et non chrétiens, est Pâques. Pâques est tout !…
Pour cette raison, que ton envoi dans le monde soit l’annonce authentique d’un Dieu qui n’est pas utile, qui n’est pas consommable selon les critères de ce monde mais qui est un Dieu de la grâce dans tous les sens du mot « grâce ». Et par là, qui rendra à chacun de ceux qu’Il mettra sur ta route le goût de vivre et l’émerveillement devant la beauté fondamentale d’exister. Amen !
+Stephanos, Métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie
Le 9 juin 2014 ā Luhamaa