Mt 6,22-33
Chers Frères et Sœurs en Christ,
Ce matin Jésus nous parle de notre relation avec Dieu. Une relation toute simple et si belle entre Dieu et nous.
Il nous révèle d’abord ce que nous sommes : bien plus merveilleux que Salomon et que les lys des champs, nous sommes à l’image de sa gloire ! Aussi, dit le Seigneur, « il ne faut pas vous tracasser en disant : que manger ? que boire ? Comment vous vêtir ? Tout cela ce sont les préoccupations des païens…Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice ; et l’on vous donnera tout le reste par-dessus le marché…(6,31-33) »
Oui, bien sûr, c’est très simple, c’est très direct…Théoriquement, c’est merveilleux mais, pratiquement… face aux difficultés que nous rencontrons chaque jour dans notre existence ici sur terre, c’est peut-être, parmi les paroles du Seigneur, celle que nous prenons le moins au sérieux. Il en est ainsi, parce que nous sommes rongés par nos inquiétudes et que nous comprenons bien que Dieu n’est pas la panacée à tous nos problèmes pratiques ou matériels : où mettre les enfants à l’école, comment se mettre à l’abri de l’imprévu, comment survivre aux tribulations et aux épreuves ?…Je pense que c’est ainsi que nous résonnons le plus souvent et que notre adhésion restrictive à Dieu correspond à notre comportement habituel. « Que serait l’être humain sans Dieu, disait récemment le Métropolite Paul de Siatista en Grèce, sinon un bel animal avide de foin ? »
Tant il est vrai que le tragique de nos inquiétudes, c’est d’oublier de faire confiance à notre Père qui est dans les cieux et d’agir comme si nous étions nous-mêmes notre source. Alors que c’est si simple, si gratuit, de nous tourner vers Lui, puisque nous sommes de Lui ; puisque c’est de Lui que nous naissons à chaque instant ; puisque notre être libre, personnel, éternel, naît du Père à tout moment, indéfiniment.
Prenons donc la peine de revenir sur cette page de l’Evangile qui vient de nous être lue. Elle est inépuisable ; elle est parmi les plus profondes dans sa simplicité même si nous n’avons pas saisi de suite son sens le plus profond, qui nous situe d’emblée devant deux évidences :
La première, la plus écrasante, c’est que nous devons « faire face » quoiqu’il arrive, chacun selon son âge, ses possibilités, sa santé ; chacun selon ses engagements propres. Cet Evangile ne prône nullement le laisser-aller, l’insouciance. Il nous demande de « faire face ». C’est à la fois une évidence merveilleuse et un risque écrasant, qui bien des fois ponctue notre émerveillement d’un « mais », d’un « oui, c’est merveilleux, mais… », lesquels contribuent à restreindre notre adhésion à Dieu, limitent la profondeur de notre communion à Dieu, nous font entrer dans cet « oubli mortel » qu’est notre péché, lequel n’est rien d’autre que notre séparation d’avec notre Père dans les cieux.
Répondre à ce défi, c’est prendre sur soi et assumer entièrement toutes ses responsabilités. Telle est la grandeur d’homme !… Objectivement, les difficultés restent bien entendu les mêmes, les décisions qui seront prises seront peut-être les mêmes, mais la manière de vivre ces décisions sera très différente dans la mesure où celles-ci s’accordent au convictions personnelles de tout un chacun. Dites-vous bien que personne n’est à même d’assainir notre angoisse ; contre elle, il n’est aucun remède extérieur. Notre inquiétude radicale ne peut être transfigurée en force, en paix, en espérance que si nous consentons à choisir de faire confiance. J’entends par là, de faire confiance au Seigneur notre Dieu.
C’est en effet à cela que répond la seconde évidence. Cette évidence, c’est celle de la confiance, fruit du degré et de la qualité de notre Foi. De fait, il ne s’agit pas simplement de faire face avec tout l’acquis de notre expérience. Il s’agit de faire plutôt confiance ; de faire confiance, bien au-delà de soi-même ou des autres, à Dieu Lui-même, notre Père. C’est par rapport à cette deuxième évidence de Foi que Jésus, pour ce qui nous concerne directement, prononce cette phrase qui fait mention à la fleur de lys dans les champs (6,30-31) : « Si Dieu donne tant d’élégance à la plante champêtre qui pousse aujourd’hui et sera jetée au feu demain, n’en fera-t-il pas bien davantage pour vous, gens de peu de foi » ?
Gens de peu de foi ! C’est vrai ! Il n’y a pas à s’en formaliser : on en est toujours là, on n’en a jamais assez.
Si la première évidence (celle de devoir « faire face ») est bien inévitable, la deuxième (celle de la confiance) – et c’est en cela qu’elle est originale – est celle qui toujours nous place devant la nécessité de choisir : elle ne s’impose jamais.
Faire confiance, c’est répondre à Dieu qui, Lui, fait toujours confiance, ; qui, Lui, est toujours avec nous ; qui, Lui, répand à l’infini son amour dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous est donné. Voilà l’évidence qui dissipe les ténèbres de nos inquiétudes : notre souffle, c’est le sien. Et pour cette raison, même si nous devons souffrir, il en sort toujours la Résurrection.
Chers Frères et Sœurs en Christ,
« Chercher le Royaume », comme nous le demande aujourd’hui Jésus dans son Evangile, c’est « redevenir enfants » dans la confiance, qui nous ouvre les portes de notre communion avec le Père. Nous avons certainement des raisons de gémir dans les turbulences que nous réserve la vie, mais il y a en nous d’autres gémissements. Ce sont les gémissements de l’Esprit Saint et là c’est tout autre chose : ce sont les gémissements que Jésus a assumés pour notre salut et par lesquels Il nous donne sa vie de Ressuscité.
Demandons-Lui avec insistance – c’est cela être croyant – de nous « tourner » vers le Père avec confiance. Cette confiance, rien ne peut l’ébranler puisque l’Esprit Saint, le don des dons, nous est donné en abondance. Amen !
+Stéphanos, Métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie
Cathédrale Sts Syméon et Anne – le 21.06.2015