DIMANCHE DES RAMEAUX
Chers Frères et Sœurs en Christ,
Ce matin, comme vous le savez, nous célébrons l’entrée de Jésus à Jérusalem. Nous aussi, pareils aux enfants et à la foule des pauvres qui accueillent Jésus comme leur roi, nous venons à la rencontre de Jésus, qui va nous faire « entrer », quelques jours plus tard, dans l’événement même de la véritable Résurrection. Un événement que nous célébrons désormais dans chaque Eucharistie, surtout dominicale. Elle aussi est un événement, l’événement du Salut du monde qui retourne toute notre histoire humaine de la mort vers la vie.
Mettons de côté l’aspect folklorique de ce dimanche ; par contre, laissons-nous avant tout saisir par sa réalité mystérieuse. A travers l’image de Jérusalem, le Fils de Dieu, devenu mortel comme nous, marche devant nous pour nous ouvrir les portes du Royaume de son Père, pour nous faire partager sa vie. C’est bien ce qui se passe, n’est-ce pas, lors de la grande entrée au cours de la divine liturgie, symbolisée par la procession du pain et du vin qui vont être consacrés. Jésus est alors réellement le roi que nous accueillons.
C’est décisif une entrée. Dans tous les domaines, si on manque son entrée, tout est manqué. Voyons ce qu’il en est de celle du Christ à Jérusalem.
Une foule curieuse de prodiges, plus sensible au sensationnel qu’à la vérité de la parole, L’acclame dès qu’Il apparaît. Elle est dans l’attente d’assister à des évènements proches extraordinaires ; elle est mue par l’exaltation, que lui suscitent les signes extraordinaires qu’elle vient d’entendre ou de voir après la résurrection de Lazare à Béthanie. A cela s’ajoute une atmosphère de joie et d’allégresse, à cause de la fête de la Pâque toute proche. Il n’en faut pas plus pour que, dans cette sorte d’euphorie collective, la foule accueille Jésus comme le Messie attendu, le roi d’Israël qui délivrera le Pays de ses ennemis et surtout de l’occupant romain.
Mais Lui, comment se présente-t-Il devant la porte d’entrée de la Ville Sainte ? « Monté, nous précise Jean l’Evangéliste (12, 15), sur le petit d’une ânesse » ! Quelle stupidité pour les grands de ce monde ! Mais aussi quelle vérité révélatrice de Jésus : il n’y a en lui aucune domination. Lui, notre Seigneur et notre Dieu, se fait le serviteur de tous. Il est humble, autrement dit Il est vrai car il n’y a aucune violence en Lui. Au contraire, c’est par son humilité que tous les humains, surtout les plus pauvres, les plus démunis, sont enfin respectés parce que le respect de Dieu est infini pour chaque personne humaine. Voilà pourquoi, ce jour-là à Jérusalem, ce sont spécialement les enfants qui l’acclament et agitent avec la foule des branches et des feuilles de palmiers en criant : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël (Jean 12, 13) ». Les enfants surtout, puisque c’est, comme le dit si bien le psalmiste (8, 3), « par la bouche des tout-petits que notre Dieu se ménage une louange »…
Pour nous aussi, tout commence ou plutôt tout recommence aujourd’hui. Jésus entre dans nos vies par son abaissement. Son humilité et sa douceur sont pour nous la porte de son Royaume. Comment l’accueillerons-nous, comment Lui ouvrirons-nous l’accès de notre cœur ? Il vient si souvent dans notre vie mais Le reconnaissons-nous ? Combien d’entre nous sont-ils prêts à prêter l’oreille à son invitation ? Combien d’entre nous avons-nous saisi que ce qui s’est passé alors à Jérusalem, que ce qui continue à se passer dans la Jérusalem éternelle, invisible, que ce qui est perçu et vécu dans l’Eglise, sacrement vivant du Royaume dans notre monde de ténèbres et de mensonges, est ce qu’il y a de plus important partout où l’on se trouve ?
« Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux » ! « Hosanna » est plus qu’une exclamation ; c’est une imploration intense, littéralement : « mais sauve-nous donc ! » Jésus vient au nom de son Père pour nous sauver. Il attend maintenant d’associer chacun d’entre nous à l’événement décisif qui eut lieu à Jérusalem, loin de nos silences d’adultes qui sont si souvent du mutisme, un mélange de peur, de méfiance ou d’indifférence.
Par là nous pouvons comprendre la réponse à cette question : pourquoi cette entrée à Jérusalem ? Jésus demande à être accueilli justement pour être notre Pâque, notre passage vivant : pas un modèle extérieur à nous mais, par sa présence, par Lui-même, vivant, ressuscité, Il va passer finalement dans le plus profond de notre fors le plus intérieur pour y répandre son règne. Le règne de son Esprit d’amour qui est paix, joie, bonté, patience, douceur, confiance dans les autres. Pourvu qu’à notre tour nous fassions nôtre l’acclamation des enfants à Jésus qui entre à Jérusalem et que, pénétrés de son humilité, nos cœurs durs finissent enfin par s’ouvrir.
Frères et Sœurs en Christ,
Puisse ce jour être pour nous tous le commencement d’une nouvelle vie comme conversion, comme retournement de tout notre être. C’est alors et alors seulement que nous recevrons la grâce de revêtir l’humilité de Jésus pour entrer avec Lui dans le chemin de l’amour ; de cet amour qui par la croix et la mort à notre égoïsme, nous ressuscitera avec Lui.
Bénie et Sainte Grande Semaine donc, afin qu’au jour glorieux et lumineux de Pâques nous puissions pleinement nous approprier cette exhortation du livre de l’Apocalypse : « Ne crains pas, j’ai été mort, mais me voici vivant pour les siècles des siècles » (Apocalypse 1, 17-18) ». Amen !
(9 avril 2017)
+Stephanos,
Métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie