Visite du patriarche oecumenique en Estonie en 2013 – 9
EGLISE ORTHODOXE D’ESTONIE
VISITE DU PATRIARCHE OECUMENIQUE
(4 au 11 septembre 2013)
Tallinn (Estonie)
Samedi 14 septembre 2013
90 ans après la proclamation du Tomos d’autonomie, le Patriarche œcuménique Bartholomée a visité une Eglise orthodoxe d’Estonie légitimée, authentique et adulte
Pour son troisième voyage en Estonie, du 4 au 11 septembre 2013, le Patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée s’est offert le luxe du temps, son temps, pour rencontrer les forces vives d’une Eglise orthodoxe d’Estonie entrée dans sa maturité.
Durant les années 90, le Patriarche avait couru le risque de soutenir, coûte que coûte, une institution moribonde, puis dans les années 2000 de visiter des communautés encore meurtries par les attaques extérieures et les divisions internes. En septembre 2013, pour le 90ème anniversaire de son autonomie, c’est une Eglise jeune, dynamique, bien installée dans sa foi qui l’a accueilli sous un grand soleil, celui du cœur et celui d’un ciel d’été.
Concrètement, Bartholomée est venu en Estonie pour entendre les réponses à trois questions fondamentales relatives à cette Eglise des pays baltes, mais aussi à d’autres Eglises dans le monde : la légitimité, l’authenticité, la maturité.
La légitimité de l’Eglise orthodoxe d’Estonie dans la société, le Patriarche l’a trouvée au plus haut sommet de la République, avec une réception de chef d’Etat et lors d’entretiens privés approfondis avec le Président Toomas Hendrik ILVES, le Premier ministre Andrus ANSIP et la Présidente du Parlement, Ene ERGMA. Tous ont souligné la similitude de destin entre la République d’Estonie et l’Eglise orthodoxe autonome qui, en exil, ont maintenu l’une et l’autre leur souveraineté et leur indépendance pendant les années de guerre et d’annexion, de 1939 à 1991.
S’agissant de la restitution des biens de l’Eglise spoliés par les soviétiques, le Président de la République a réaffirmé, dans une conférence de presse conjointe avec son hôte, que c’était une affaire réglée et que, s’agissant de la présence des deux diocèses estoniens du Patriarcat de Moscou, « les affaires de l’Etat étaient régies par l’Etat et les affaires de religion par les Eglises ». La laïcité est inscrite dans la constitution mais n’interdit pas le dialogue, au contraire, spécifiquement dans le cas de l’Eglise orthodoxe d’Estonie, avec son Primat le Métropolite Stephanos, considéré depuis 1999 par les gouvernements successifs comme un interlocuteur d’ouverture et de confiance.
Légitimité également dans la société civile, puisque, par plusieurs gestes, le Patriarche de Constantinople a signifié l’intérêt que l’Eglise portait à l’exercice de la citoyenneté profane sous tous ses aspects : économique, social, scientifique, pédagogique, artistique, musical, écologique.
La deuxième question posée était celle de l’authenticité de l’Eglise orthodoxe d’Estonie dans sa foi et dans sa filiation avec le Patriarcat œcuménique de Constantinople. Formé à l’école du Patriarche Athénagoras, Bartholomée est un défenseur acharné du dialogue avec toutes les Eglises chrétiennes. Il a observé que l’Eglise autonome suivait cette ligne sans faillir, collaborant avec les neuf autres confessions chrétiennes présentes en Estonie, au premier rang desquels les Luthériens, les Catholiques et les Réformés de différentes obédiences. Il a souligné que la foi des Orthodoxes de l’Eglise d’Estonie était affirmée mais pas conquérante, de partage mais pas d’arrogance. A la question russe, souvent posée par les journalistes, il a répondu que le Métropolite Stephanos poursuivrait avec détermination ses appels à l’unité et au pardon mutuel, mais aussi au respect des engagements pris par le Patriarcat de Moscou à Zurich, qui prévoit le rétablissement sans restriction de la pleine communion entre son Eglise dotée de l’autonomie depuis 1923 et le Patriarcat de Moscou bénéficiaire de son autocéphalie depuis 1588, toutes deux concédées par le Patriarcat œcuménique de Constantinople.
La troisième question à laquelle le Patriarche Bartholomée était venu chercher une réponse en Estonie était celle de la maturité de son Eglise. Pendant une semaine, il n’a cessé d’aller au devant du public, dans les rues, les boutiques, sur les ferries : serrer des mains, embrasser les enfants qui sont ses plus surs alliés, profiter de ses dons de polyglotte pour engager la conversation.
Dans les cathédrales, les églises, et souvent, faute de place, sur les parvis, il a prié avec des fidèles jeunes, modernes, décomplexés, peu soucieux de savoir si leurs parents et leurs grands parents étaient russes ou estoniens, athées ou croyants, communistes ou démocrates. En 20 ans, l’Eglise autonome est passée d’une position ultra minoritaire à un statut sociologique de communauté représentative, jouant à part égale avec les Luthériens et les fidèles réellement pratiquants des deux diocèses russes de Tallinn et Narva.
Cette renaissance de l’Eglise orthodoxe d’Estonie, devenue adulte, doit beaucoup à son Primat, le Métropolite Stephanos de Tallinn et de toute l’Estonie, appelé de France par le Patriarche œcuménique de Constantinople pour cette mission à hauts risques, chantier de reconstruction matériel et spirituel qu’il a su mener à bien avec son équipe. Pour s’en convaincre, les Estoniens n’ont eu qu’à observer l’évidente complicité entre Bartholomée et Stephanos durant cette semaine de visite pastorale, leur convergence de vue sur l’évolution du monde orthodoxe et l’amitié qui les unit.
A Tallinn (Estonie), Jean-François JOLIVALT, pour EAÕK