Avaleht/Histoire/Visite du patriarche oecumenique en Estonie en 2013 – 5

Visite du patriarche oecumenique en Estonie en 2013 – 5

EGLISE ORTHODOXE D’ESTONIE
VISITE DU PATRIARCHE OECUMENIQUE
(4 au 11 septembre 2013)

Pärnu (Estonie) 
Dimanche 8 septembre 2013

 

Le Patriarche œcuménique de Constantinople en Estonie : Bartholomée est séduit par la jeune génération des Estoniens de province.

Le Patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée célèbre en Estonie le 90ème anniversaire de la proclamation de l’autonomie de l’Eglise orthodoxe d’Estonie. Après la capitale Tallinn (grand port de passagers et de commerce à l’entrée du Golfe de Finlande), il consacre trois journées aux Estoniens de la côte ouest de la Baltique, face à la Suède : le port de Pärnu, la station balnéaire et climatique de Haapsalu, la petite île de Kihnu (Kirnou en français) et la grande île de Saaremaa, qui représente à elle seule 1/5ème de la superficie du pays.

En cette Fête liturgique de la Naissance de la Vierge Marie, Bartholomée a célébré une Grande Liturgie patriarcale dans la Cathédrale de Pärnu, entouré du Primat de l’Eglise orthodoxe d’Estonie, le Métropolite Stephanos de Tallinn et de toute l’Estonie, de l’évêque du diocèse, Mgr. Aleksander de Pärnu et Saare et des métropolites de Chalcédoine et de Boston. Derrière leur Primat, l’archevêque Léo de Carélie, les évêques et les prêtres de Finlande étaient venus en force, eux qui célébreront également le 90ème anniversaire de l’autonomie de leur Eglise, à partir de mercredi 11 septembre 2013.

Comme la veille samedi à la Cathédrale primatiale Saint Siméon de Tallinn, les fidèles étaient venus en foule, débordant très largement sur le parvis et les jardins de la cathédrale, devant un écran géant qui retransmettait en direct la cérémonie. Les couples avec des bébés et des enfants en bas âge étaient nombreux, car on se marie jeune en Estonie et l’on apprécie les grandes familles. Ces adultes de 20 à 35 ou 40 ans représentent une génération qui n’a pas connu le régime soviétique, ses peurs et ses privations, mais qui, dans la nation certes budgétairement la plus vertueuse de la zone Euro, n’en subit pas moins une vie quotidienne où il faut compter avec des prix qui augmentent plus rapidement que les salaires.

Dans son homélie, le Patriarche de Constantinople a repris l’image du levain dans pâte, celle d’une Eglise petite en effectifs mais capable de mener seule son redressement et, pourquoi pas, de servir d’exemple à d’autres communautés. « Le Patriarcat œcuménique, que nous représentons aujourd’hui » a-t-il précisé, « garantit l’administration des Eglises territoriales où qu’elles de trouvent. Dans les Actes de apôtres (2 ; 9-11), il est dit qu’il n’y aura plus ni Mèdes, ni Perses….Croyez-vous que, parce qu’ils ne sont pas spécifiquement nommés, ils ne seront pas appelé, eux aussi, au Royaume de Dieu, Dieu fort qui a créé tous les hommes pour qu’ils entendent, chacun dans sa langue, sa magnificence? » En d’autres termes, le Seigneur est venu pour rassembler les brebis dispersées et les ramener, par sa Grâce, dans les verts pâturages.

Le Patriarche œcuménique avait revêtu en ce dimanche un ornement liturgique brodé d’un Arbre de Jessée, en référence à la naissance de la Vierge Marie, Mère de Dieu, mais aussi à l’image de Constantinople, l’Eglise-Mère qui, à chaque fois que nécessaire et à la demande d’un peuple de fidèles résidant dans un même Etat, accorde « à ce petit troupeau la vie et l’existence dans le cadre d’une auto administration » comme ce fut le cas pour l’Eglise autonome d’Estonie. L’arbre a grandi et a donné des fruits « jusqu’en 1940, temps de la stérilité, de la tentation et de l’angoisse de la croix, des larmes pleurées jusqu’à la dernière, de l’agonie du peuple dans son exil comme celui les Hébreux au désert ». « Cette Eglise a été humiliée et persécutée comme le Christ, aujourd’hui elle ressuscite comme son Seigneur ».

Le Métropolite Stephanos de Tallinn et de toute l’Estonie a choisi l’étape de Pärnu pour brosser un tableau dynamique de l’Eglise qui lui a été confiée par les fidèles et le Patriarcat œcuménique en 1999. « 90 années d’autonomie, non pas seulement bernées d’espoirs, écrasés de déceptions jetées dans la violence démesurée, la mort et l’enfer, mais aussi, et plus que tout, marquées par le passage de Dieu dans notre propre Histoire. De 1923 à 1996, ce passage a fini par anéantir toutes les fausses certitudes habituelles que génèrent, dans le temps et dans l’espace, les moments les plus tragiques pour que ressurgissent, alors que l’on s’y attendant le moins, l’instant en réalité permanent de la résurrection ».

La chronique montre de fait qu’en 1991, il ne restait quasiment rien de l’Eglise orthodoxe d’Estonie d’avant-guerre, même dans le souvenir des Estoniens, même après le sang versé de ses nombreux martyrs, à commencer par celui de saint Platon son fondateur. Mais, constate le Primat d’Estonie, la prière des martyrs n’est pas que refuge, elle est surtout une action réelle qui laisse passer Dieu dans une Histoire dont on déchire le couvercle de mort ».

« Initiée par Mgr. Platon à la demande expresse de ses fidèles » a poursuivi le Métropolite Stephanos, « notre autonomie a été proclamée le 7 juillet 1923, conformément aux canons orthodoxes et aux réalités géopolitiques du moment, à savoir un peuple constitué en Etat, dans une Estonie indépendante et une communauté orthodoxe dans l’impossibilité de maintenir un lien avec le Patriarche Tikhon de Russie. La communauté s’est constituée en nombre et en qualité : en 1939, 210 000 fidèles inscrits dans 158 paroisses et 156 clercs ».

« La Seconde Guerre mondiale a été un drame pour l’Estonie, occupée dès 1940 par les soviétiques, les nazis, puis de nouveau les soviétiques. Il en a été de même pour son Eglise, avec ses martyrs, sa dissolution brutale et anti-canonique en 1945, la dispersion de ses fidèles, la confiscation et la spoliation de ses biens ».

« Sainteté, vous disiez cet été à des jeunes de Constantinople qu’au bout du compte, le droit fini par triompher, que tout ce qui est injuste n’est pas béni, que la vérité l’emporte toujours ! Telle est pour nous la leçon de ces journées». « Toutefois un long chemin nous attends encore, qui passe par la porte étroite (Matthieu 7 ; 13-18)…/…Nous faisons partie de ce petit reste que mentionne l’Ecriture. Mais à ceux d’entre-nous qui pourraient être inquiétés par toutes les épreuves et les difficultés à venir, à ceux aussi qui, au sein du monde orthodoxe, se disent convaincus de la –soi-disant précarité- de notre survie ecclésiastique, sans doute pour justifier leurs hésitations à notre égard, Jésus fournit la réponse : c’est moi qui suit la Porte, celui qui entre par Moi sera sauvé ! ».

« Enfin, reste un dernier point fondamental, qui doit nous garder en éveil jusqu’à ce qu’il soit pleinement résolu : celui de la réconciliation définitive avec l’Eglise orthodoxe de Russie. Je dis simplement que, quelques que soient les responsabilités des uns et des autres, les déchirements entre les Chrétiens orthodoxes d’Estonie constituent un triste témoignage pour tout le Pays. Cependant, je n’ai jamais perdu espoir de voir, un jour, ces même Orthodoxes se réconcilier, voir même se réunir en une seul Eglise, lorsque ensemble, ils entendront d’un seul et même cœur l’appel à un réveil ecclésial mutuel au repentir et à un examen de conscience vis-à-vis de ce qui fut fait et de qui adviendra. » La foule des fidèles, qui suivent le Patriarche de Constantinople depuis mercredi, et plus encore leur jeunesse que leur nombre, pourraient bien être, en filigrane, la réponse à cette dernière interrogation du Primat d’Estonie Stephanos.

Dimanche matin, à la fin de la Divine Liturgie patriarcale, le Patriarche Bartholomée avait élevé à la dignité d’Archontes (dignitaires de la Cour de Constantinople au temps de l’Empire), deux fidèles particulièrement méritants, M. Viljo VETIK, mécène de l’Eglise et le compositeur estonien orthodoxe Arvo PÄRT, célèbre dans le monde entier pour ses œuvres de musique contemporaine, qui allient le grégorien et les airs du Moyen âge à des variations dodécaphoniques ou atonales, comparables dans cette juxtaposition à l’écriture musicale de Jean Langlais ou de Maurice Duruflé.

De son coté, le maire de Pärnu a remis au Patriarche la clé de sa ville, « en signe de reconnaissance, d’affection et de confiance. Il devient ainsi citoyen à part entière de la cité

 

A Pärnu, Jean-François JOLIVALT, pour EAÕK